Lunatique 83 – extraits

LE PRENEUR DE FEU
Richard Kadrey
Preston se promet d’arrêter de prendre les pilules Les barbituriques du marché noir sont puissants, beaucoup plus forts que les somnifères qu’on lui donnait à l’infirmerie militaire de la ville (mais pour-quoi appeler ville une douzaine de baraques en T, de casernes, et un million de tonnes de gravats ?). Pour-tant, sans alcool pour faire descendre les pilules, Preston sait qu’il n’arriverait jamais à s’endormir.
Une fois, Preston a ramené quelques pilules au laboratoire de l’armée et les a fait analyser. Il s’est révélé que chaque pilule était totalement différente des autres, un patchwork dingue de toutes les drogues que les fabricants pouvaient avoir sous la main : Thorazine, MDA, mégaludes, Nembutal. Parfois Preston achète de petites quantités d’opium pur. Il le mélange à la vodka pour produire sa propre version grossière du laudanum. Il lui arrive de trouver tout cet effort amusant. Il sait très bien que n’importe laquelle de ces drogues, combinée avec tout l’alcool qu’il boit, pourrait le tuer – et qu’est-ce Preston est un assassin au service de l’armée d’oc- cupation américaine en Europe. Toutefois, ces derniers temps, il a du mal à abandonner son travail Au bout d’une demi-heure, il est manifeste que les pilules ne font pas d’effet. Les curseurs qui clignotent sur une douzaine de terminaux informatiques sont sur le point de le rendre fou. Preston prend deux pilules de plus et les avale d’un trait avec de la vodka dans un gobelet en plastique. Il va dans la chambre chercher son manteau, mais s’arrête pour fermer la porte de l’armoire vide de sa femme.
Trois heures du matin, heure de Berlin. Une pluie amère à l’odeur de métal tombe sous forme de brume. Preston a besoin de boire. Six pilules dans l’estomac et il n’a même pas encore envie de dormir. Le pinceau de sa torche joue sur les ruines sans éclai- Chaque jour, l’armée s’emploie à dégager les rues, repoussant les immeubles pulvérisés sur les fondations éclatées dont ils sont tombés. Des morceaux de béton entassés pêle-mêle et des torsades de fil de fer se rejoignent en longues rangées jusqu’à ce que les quartiers résidentiels ne fassent plus qu’un seul bloc continu.
Preston déplace le faisceau de sa torche sur les immeubles vides, espérant se découvrir quelque lien romantique avec les ruines, comme si, parmi les pierres fracassées, pouvait se cacher l’antidote à toutes ses peurs innommées. Pourtant, à la fin, on en revient toujours au même ensemble d’images fractu- rées : Preston dans le noir ; Preston dans les ruines, sous la pluie, seul.
Ça ne fait que quelques jours qu’elle est partie mais il a déjà oublié son visage, ce qu’il lui avait dit, ce qu’elle lui avait dit. Elle est partie ; il n’y a que ça de vrai. Il l’a regardée faire ses valises, l’a regardée monter dans l’avion militaire pour New York.
Il avait apprivoisé les systèmes informatiques les plus complexes du monde, et pourtant il n’a pu empêcher sa femme de partir. Mais il n’a perdu son Elle montait la rampe d’accès à l’appareil, Preston était debout derrière une clôture de barbelés, et il a hurlé son nom. Une seule fois. Tous les gens sur la piste se sont retournés pour le fixer. Il est rentré en vitesse dans son bunker et s’est saoulé. Plus tard, il a découvert des entailles sur ses mains là où il avait De retour dans le bunker informatique, Preston tourne son attention vers le moniteur où sont affichés les codes des médicaments pour l’hôpital d’État de Leningrad. Il commence à pianoter, changeant un chiffre par-ci, un chiffre par-là. Une vague blanche de parasites tremblote en travers de l’écran et noie l’affi- chage. Un mauvais contact ? Preston se lève et vérifie ses connexions en fibres optiques. Il vient de pirater le logiciel de la pharmacie il y a seulement quelques minutes et ne tient pas du tout à attirer l’attention sur sa présence. Tandis que l’interférence s’atténue, il se met rapidement au travail.
DERNIER APPEL POUR LE
VOL TRANSATLANTIC
2026
Jean-Pierre Andrevon
C’est comme ça que tout a commencé. Avec un type appelé Ahmed el Assad, le Lion, autrefois Jo Sienkeiwicz, natif de Vénissieux, région lyonnaise, France, chômeur retourné par des salafistes syriens, ayant fait ses classes en Afghanistan et désormais shahid, Martyr, à preuve son torse bardé d’explosifs à commande manuelle (il suffit de tirer sur le truc qui pendouille), et les cris qu’il pousse, Allah akhbar ! Allah akhbar ! en courant pieds nus, ça fait du bien quand ça fait mal, à la surface du désert brûlant. Le lieu : Arabie saoudite, pas très loin du terminal pétro-lier de Doah, le plus important du pays, dont on voit à l’horizon onduler les tours en résille au-dessus d’une nappe de mercure. Loin, trop loin, bien sûr. Mais la ligne sombre de l’oléoduc qui rejoint la mer Rouge au bout de deux mille kilomètres est proche, toute proche. Moins de cent mètres. Il suffit de courir entre les balles qui, Allah soit loué, sifflent autour de lui sans l’atteindre. Il court. Chtoff-chtoff-chtoff… la plante de ses pieds cornés dans le sable à 72 degrés.
À droite et à gauche du cylindre de bronze, chevauchant sa ligne de crête, des silhouettes en treillis cavalent, lâchant des rafales sporadiques dans sa direction. Mais le Martyr les ignore. Il court. To-ploc-toploc-toploc ! son cœur. Qu’il ignore. Comme il ignore Abdelaziz, Mahmoud, Shérif, laissés raides derrière lui, avec de grands trous rouges dans la kamiss. Il ne pense même pas aux soi-disant vierges (soixante-dix, ou soixante et onze ? – il n’a jamais su le chiffre exact…) qui l’attendent au Paradis. À supposer qu’il y ait réellement cru. Il ne pense à rien. Il court dans la chaleur à faire cuire une carpe. La première balle à lui arracher un quart de livre de viande avec les débris de sa clavicule gauche ne l’ar-rête que le temps de faire un tour complet sur lui- même. Quand même, un cri s’échappe de sa bouche, qui ressemble à un banal Aïe ! suivi d’un la pute ! qu’il n’a peut-être fait que penser. De toute façon c’est fini, il y est, il a atteint son objectif, la massive muraille vert sombre contre laquelle s’écrase un corps qu’il ne contrôle plus. Sa joue s’aplatit contre le métal brûlant, son index réussit à crocheter la boucle fixée à la courroie détonateur. D’autres balles hachent son corps. Mais quelle importance ? Même pas mal. Le cercle de laiton s’enfonce dans la pliure de sa phalange, il tire, il a tout juste le temps de souf-fler Allah Ouak… que l’Enfer ouvre grand ses portes de bruit et de fureur – l’Enfer, pas le Paradis. Mais là où il est, ça revient au même.
L’oléoduc s’est fracassé par le milieu, dégorgeant un geyser de feu qui déploie sa draperie contre le ciel blanc. Dans le siphon, le pétrole raffiné avale les flammes qui se ruent vers l’amont comme vers l’aval à la vitesse d’un métro express dans son tunnel. Il lui faut trois minutes vers l’amont pour atteindre une première cuve, autour de laquelle se dispersent des fourmis humaines. La cuve, cent quarante mille barils de brut, saute comme un bouchon de cham-pagne. Et une seconde. Et une troisième. Le terminal en compte six mille. Trois minutes et une poignée de secondes après le martyre d’Ahmed, dont il n’existe plus rien, il ne demeure pas grand-chose non plus de l’inhumaine cité pétrolifère. Seulement une méduse pourpre entourée de flocons boursouflés d’encre noire, qui se déploie dans le ciel sur neuf kilomètres de hauteur, très semblable à un champignon nucléaire, et pour des résultats similaires.
Mais ce n’est pas tout. La même chose vient de se passer, au même moment, à Bahreïn et dans tous les émirats, en Irak, au Koweït, en Azerbaïdjan, au Turkménistan, en Angola, au large du Congo, ailleurs encore. Trente-six attentats, minutieusement préparés des années durant par Al Qaïda. Et pour la plus grande part réussis. Quelque part, quelqu’un – et peu importe qu’il s’agisse ou non de Ben Laden (disons qu’il s’agit d’un des nombreux successeurs autoproclamés de Ben Laden) se frotte les mains : le sang de l’Occident est en train de partir en fumée. Le 11 septembre, à côté, c’est une flamme d’allumette… C’est ainsi que ça a commencé, oui. Mais on peut tout aussi bien considérer que les vrais débuts remontent à cette journée de 1859, en Pennsylvanie, près d’un misérable bled nommé Titusville, alors que le colonel Drake, moustaches en croc, gueule de pirate, grand chapeau gansé, deux pistolets de marine dans les fontes, regardait avec étonnement fuser la première éruption de l’or noir trouvé presque par hasard dans un gisement étalé à trente mètres seulement sous ses pieds bottés. Ou, bien plus loin encore, en compagnie de ce paysan babylonien qui, six mille ans avant l’hypothétique Jésus-Christ, récol- tait de ses mains noires les schistes bitumineux affleurant pour en sceller les briques de sa maison.
Bien vains calculs. Il y a toujours un commence- ment aux commencements et, si ça vous amuse, on peut le faire remonter à la fracture de Gondwana, il y a cent quarante millions d’années, alors que, suite à une élévation de température, une biomasse considérable s’enfouissait dans des cavernes pauvres en oxygène comme en bactéries, se muait en vases répugnantes riches en macromolécules carbonées qui, sous la pression, finiraient par se casser pour se transformer en hydrocarbures.
En vérité, on ne sait jamais vraiment quand ça Par contre, comme pour les histoires d’amour, on LA TROISIÈME
DIMENSION
Romain Lucazeau
La naissance des civilisations est souvent marquée par des événements stellaires : l’apparition d’une étoile, le passage d’une comète.
Ce soir-là, ce fut un rayon d’origine cosmique, invisible à l’œil nu, qui termina sa course folle à travers l’espace infini, dans le transformateur élec-trique d’un immeuble parisien.
Dans quelle sphère de gaz incandescents ce flux de Quelles merveilles gravitationnelles avait-il traver- sées, presque insensible à la matière comme à Épuisé par son long voyage, il périt dans le fracas d’une rencontre avec un minuscule morceau de sili-cium, et de cet événement cataclysmique naquit une Il était alors deux heures quarante-trois du matin, au milieu de la nuit du samedi au dimanche.
Dans un appartement du troisième étage, les plombs sautèrent. Le jeune homme qui occupait les Quelques secondes plus tard, le réfrigérateur, au demeurant un peu sale, qui occupait un coin de la cuisine, commença à se réchauffer doucement, n’étant plus alimenté en électricité. Des colonies de bactéries, engourdies depuis des jours par l’impla- cable chaîne du froid, se réveillèrent de leur sommeil, pas loin d’un pot de confiture. Puis, insensiblement, la température au sein du frigidaire grimpa juste au dessus du seuil fatidique des deux degrés Celsius.
Alors ?Alors ce fut le printemps des bactéries.
Eugène ressentit un joyeux pincement au cœur lorsqu’il traversa l’entrée monumentale et grouillante de monde de l’Académie des Sciences. Ses limites en carbone finement ciselé avaient un petit goût de triomphe. Car, depuis peu, il était officiellement chargé de recherches dans la prestigieuse institution, fondée par Alphonse 4 le Visionnaire, au début de l’Abondance, quatre cents secondes plus tôt.
Cette fois-ci, cependant, l’état d’allégresse céda rapidement le pas à un terrible sentiment d’ennui, lorsqu’il découvrit que sa demande de réaffectation était refusée, et qu’il devrait continuer à faire de la chimie et de la génétique. Il traîna des cils jusqu’à son compartiment de travail.
Sa véritable passion, son travail de thèse, c’étaient les géométries non conventionnelles, pas ces médiocres tâtonnements dans le noir qu’on appelle les sciences appliquées. Quand il faisait des mathé- matiques, il se sentait pousser des ailes. Quand il s’occupait d’enzymes et de lichens, il avait l’impres- Mais c’était comme ça. La Colonie voulait que ses plus brillants éléments se consacrent à l’art ancestral d’améliorer les conditions de traitement et de conser- La Substance permettait la nutrition, l’allonge- ment de la vie et la division cellulaire.
Elle nourrissait les unicellulaires, qui à leur tour produisaient les matériaux nécessaires aux construc- Il était étonnant, quand on y pensait, que la civili- sation bactérienne soit fondée sur cet étrange composé de carbone et d’hydrogène, qu’on appelait également Glucide dans la langue sacrée.
Car c’était la Substance qui décidait de la guerre et de la paix. Et nul ne savait la synthétiser.
Eugène 125 était bien placé pour le savoir. Il était le dernier-né d’une prestigieuse lignée cellulaire, dont le Premier, toujours vigoureux après des milliers de secondes, se plaisait souvent à raconter le Réveil et les féroces combats contre les autres espèces de bactéries, aux côtés du Roi Alphonse 1, paix à son protoplasme.
Quoique absolument identique à son géniteur, Eugène ne possédait qu’imparfaitement les souvenirs de Papa. Mais cela suffisait, quand il y pensait, à le remplir de fierté. Il aurait pu être un guerrier, il avait préféré être un savant, pour servir la Colonie.
Mais il y avait des jours… Il lâcha un gros batte- L’HUÎTRE ET LA PERLE
Daniel Walther
Un de mes amis prétend que les huîtres au moment d’être gobées toutes vivantes dressent une paire d’yeux pédonculés, comme ceux des escargot Quant à Lewis Carroll, il a consacré un poème émou-vant de Through the Looking Glass à d’imprudentes petites huîtres, poème qui a ensuite inspiré le dessi-nateur et conteur humoristique et fantastique Gahan Wilson dans une nouvelle intitulée The sea was wet as wet could be. Les huîtres sont une petite merveille gastrono- mique aux yeux de certains, une simple horreur pour d’autres. Avaler vivante cette masse molle et froide, seulement relevée d’un trait de citron, peut en effet 1 « Le reproche dans l’œil de l’huître », de Jörg Weigand, extrait du recueil Geschichten am Rande der Wirklichkeit (Histoires à la lisière de la réalité). Non traduit.
Les huîtres couvent également des grains de sable pour en faire des perles plus ou moins réussies et Pour ces grains de sable roulés dans la nacre, des milliers d’hommes ont risqué leur vie, pêcheurs de perles ou aventuriers, voleurs ou flibustiers. Oui, les perles, blanches, roses ou noires, ont souvent été trempées dans le sang – ce qui n’enlève rien à leur Notre histoire commence au moment où Sergio Forlani entre dans un excellent restaurant parisien spécialisé dans les produits de la mer et de l’océan, pour interrompre une journée d’un incoercible ennui. Sergio n’est pas Italien mais Corse. C’est un Corse de bonne constitution, engagé dans un mouvement indépendantiste non violent, rejeté par les Français de Métropole et par l’aile extrémiste de ceux qui veulent la liberté totale de leur île. De préférence l’arme à la main.
Sergio est musicien et compose des suites sympho- niques, des partitions pour orchestres de chambre et des chansons fortement influencées par la tradition polyphonique insulaire. Il commence à être connu, et des festivals italiens ou métropolitains lui ont commandé des œuvres. Il travaille actuellement à un opéra inspiré par Los Encantadas de Herman Melville.
Il se trouve donc à Paris, une ville qu’il n’aime pas, car elle symbolise la centralisation et l’oppression, mais il est bien obligé de s’y rendre de temps à autre, afin de rencontrer des agents, des directeurs de salle de concert et des chefs d’orchestre.
Ce jour-là, vers 13 h, Forlani, comme toujours vêtu avec goût mais sans ostentation, entre dans la salle du restaurant Aux saveurs des vagues. Il sait qu’il s’agit d’un local très cher, mais il a de l’argent et se moque d’être arnaqué.
Il est vite pris en remorque par un garçon volubile qui l’installe et lui tend une carte gigantesque : les plats sont décrits de façon (trop) poétique, avec des circonlocutions précieuses, et les prix se révèlent à l’avenant. Sergio commande des huîtres et des gambas ainsi qu’une bouteille de Chablis.
Il est presque déçu, mais les huîtres ont l’air très fraîches, et le vin est délicieux. Du coup, il se sent moins las et entame sa douzaine de fines de claire. D’étranges pensées accaparent son esprit. Il a déjà gobé quatre huîtres quand, soudain, il n’en croit pas ses yeux : il vient de surprendre une brillance à la MORT D’UN AGENT
Lino Aldani
Gregory Barnes sortit du spatioport de New Washington à quinze heures. Il s’arrêta quelques instants sous l’énorme auvent, quelque peu indécis. Il devait se présenter à dix-neuf heures au colonel Lunigan pour le visa de contrôle habituel. Gregory pensa qu’il aurait le temps de se raser, de prendre une douche et de se reposer une paire d’heures.
Il héla un aérotaxi. Dans le même instant, et sans qu’il ait eu besoin d’esquisser le moindre geste, l’un — Veuillez vous asseoir à l’avant, s’il vous plaît, lui enjoignit le conducteur. Je viens de remplacer les sièges et le vernis est encore frais.
Gregory s’installa à côté de lui. Il se sentait las, nerveux : dix heures de voyage dans l’espace ne sont pas une sinécure, bien qu’il ne manque, à bord des astronefs, aucune commodité. Il tambourina sur sa petite valise puis dévisagea le chauffeur. Un type ordinaire, aux yeux perçants, au menton proéminent et aux mains épaisses et peu soignées qui émer- geaient des manches d’un blouson de cuir plastifié un peu trop juste pour sa taille ; il appartenait à la caté- gorie des conducteurs bavards, véritable calamité pour les passagers taciturnes. Il commença par l’en- tretenir du temps, mais Gregory fit la sourde oreille. Il effectua une nouvelle tentative sur le sport : Gregory ne broncha pas. Alors, le chauffeur lui demanda : — Comment ça se passe, là-haut ? Est-ce qu’on va Gregory tressaillit, soudain sur le qui-vive. Il jeta un regard en coin au conducteur mais se rendit compte aussitôt que ses soupçons n’étaient pas fondés. Il était sorti du spatioport à quinze heures. Les « taxis » connaissent par cœur tous les horaires des astronefs et leur provenance. Il était donc facile de deviner qu’il arrivait de Vénus.
— Je suppose que vous ne souhaitez pas qu’elle ait lieu, continua le chauffeur. Je me trompe ? Gregory regarda à l’extérieur. Au-dessous d’eux, les édifices et les jardins de New Washington s’éten-daient à perte de vue dans la chaude luminosité de l’après-midi. Le conducteur avait branché le pilote automatique et souriait, immobile, les bras croisés. Gregory porta une cigarette à ses lèvres.
— La situation est loin d’être claire, répondit-il, mais ce n’est pas demain la veille qu’on déposera les armes, j’en ai peur… Il fouilla dans ses poches à la recherche d’allu- mettes. Le chauffeur lui tendit l’allume-cigare, pressa le bouton moleté ; une vapeur âcre, jaune pâle, inonda le visage de Gregory. Un instant à peine, le temps de penser : Je suis perdu, et il bascula à la renverse sur le siège, inconscient.
À la Rade de Cristal, sur Vénus, la nuit est déjà tombée. Les colons dorment. Ce sont des gens qui travaillent dur toute la journée, tout en luttant contre les adversités d’un climat qui engendre la La vie est rude sur Vénus. Les Terriens ne se sont décidés à coloniser la planète qu’à la suite des désordres sociaux provoqués par l’accroissement, toujours plus vertigineux, de la population. Mars ayant fermé ses frontières, il était nécessaire de trouver un autre débouché, d’autres ressources à utiliser, d’autres aliments pour des millions d’êtres À la Rade de Cristal, il y a aussi des espions. Agents des services secrets martiens ou terriens tissent depuis longtemps une toile d’araignée nouée d’intrigues : sur l’échiquier de la guerre qui, d’un moment à l’autre, peut éclater, Vénus représente Les colons le savent. Mais les sacrifices, les besoins et la lassitude ne leur laissent pas le loisir de s’en préoccuper. Ils dorment. Dans le silence de la nuit humide et chaude, la Rade de Cristal est une grisaille de consciences assoupies, tranquilles. Sur Terre, à des millions de kilomètres de là, Gregory Barnes se prépare à passer la nuit la plus hallucinante de toute son existence. La pièce était sombre, presque privée de meubles, ses murs recouverts d’un mauvais crépi. Ce fut la première chose qu’il remarqua : l’enduit qui tombait en miettes. Et il se surprit à penser à l’étrange parti-cularité de son réveil qui lui faisait découvrir, en premier lieu, un détail plutôt que l’ensemble de ce qui l’entourait.
Il était assis. Il essaya de remuer les jambes mais ne le put pas ; il était pourtant certain de n’être pas ligoté. La pièce était dépourvue de fenêtres ; peut-être se trouvait-il dans une cave ; les taches verdâtres sur les murs encouragèrent cette hypothèse.
Quelqu’un se trouvait derrière lui. Il en devinait la présence à cause de certains petits bruissements indistincts, un frottement continuel et une respira- tion difficile, comme celle d’un asthmatique.
Une pression se fit sentir sur le dossier du siège. Une force de rotation l’entraîna dans un demi-tour. Il battit deux ou trois fois des paupières. Devant lui se trouvait un bureau et, derrière le bureau, un homme, masque rigide, impassible.
L’autre se tenait à côté de lui, debout. Ce n’était pas le chauffeur de l’aérotaxi. Celui-là était petit, maigre, avec des yeux jaunes, très mobiles, qui le fixaient dans un battement de cils continuel.
L’homme assis baissa imperceptiblement la tête. À ce signe, le petit maigre se rapprocha de Gregory, d’un pas élastique et ondulant. Il le saisit au menton, délicatement, l’obligea à relever la tête. Dans les yeux qui le fixaient, Gregory devina une lueur sinistre de méchanceté et de sadisme.
L’homme maigre se détendit comme un ressort. Une gifle, d’une violence extrême, atteignit Gregory à la joue gauche. Au même instant, une saveur douceâtre de sang lui envahit la bouche. Une main l’agrippa aux cheveux, le contraignant à relever de nouveau la tête. Un second coup, terrible, l’atteignit avec une violence plus grande encore.
— Alors ? fit le maigrichon d’une voix cinglante et chargée d’ironie. Nous sommes prêts pour l’interro-gatoire, major Barnes ? C’était une voix de cauchemar, de celles qui, dans les rêves, font se rétracter l’épiderme. Gregory Barnes leva péniblement un bras, se passa une main sur sa joue tuméfiée, ôta le sang qui coulait de la lèvre coupée et cracha sur le sol.
— Je ne m’appelle pas Barnes, essaya-t-il de dire en s’efforçant de mettre dans le ton de sa voix le plus de naturel possible, avec un rien de perplexité et de surprise. Je m’appelle Edmond Brooks ; je suis ingé-nieur en électronique à la Silver & Bauer Company.
— Inutile de nous la faire, l’interrompit la voix âpre, comme un coup de fouet. Tu es le major Barnes Une porte s’ouvrit, laissant apparaître une femme d’une trentaine d’années, à la chevelure blond platine.
— Je prépare la piqûre ? interrogea-t-elle, avec LE RESTE DE SON ÂGE
George Barlow
— Eh bien, tonton Nestor, qu’allez-vous aujour- d’hui puiser pour nous dans votre inépuisable trésor — … des temps héroïques de la navigation inter- — N’avez-vous pas encore quelque beau massacre — Et si, pour changer, vous trouviez quelque chose de bien sentimental pour faire plaisir à ces demoi- — Nous ne sommes pas plus sentimentales que vous autres, proteste Yamilah Yafi de ses lèvres minces, un éclair dans ses yeux noirs, et c’est plutôt toi qui l’es, Maamar, et rétrograde avec ça, d’utiliser cette vieille appellation sexiste de « demoiselle » au De fait, elle se distingue à peine des garçons, sanglée dans le même uniforme qu’eux – blouson, pantalon collant et bottes – avec ses boucles brunes coupées très court, ses hanches et sa poitrine à peine arrondies, ses longues cuisses sveltes, et la beauté régulière et presque sévère de son visage. Et elle fait tout pour être un cadet parmi les autres, les suivant même en ces sorties interdites au Nect’bar et autres Mais son inséparable amie, la blonde Mélissa, — Oh ! oui, capitaine Nelson, une histoire moins dure cette fois ! La vie de Navigateur n’est pas que lutte et souffrance, cruauté et mort, tout de même ! Il — Exotiques !— Les animaux attachants et affectueux ! Pourquoi pas une histoire de bête ? suggère Maamar.
— Moi je préférerais une histoire d’intelligence, — Ce n’est pas très gentil pour le capitaine Nelson, ce que tu dis là ! Tu as trouvé ses autres histoires bêtes ? — Nullement ! Seulement, mes préférences vont aux héros qui utilisent plus leur tête que leurs — Oh ! Tout le monde sait que tu fais tes délices de vieilles histoires sur des détectives à la manque, qui découvrent les auteurs de piètres vols et assassinats passionnels ou crapuleux sans bouger de leur fauteuil et sans quitter leurs pantoufles. Quel intérêt peux-tu bien trouver à ces intrigues sordides à côté des hauts faits de l’épopée spatiale ? — Tu peux bien rire, Ferhat ! Moi je sais bien qu’il y a encore place pour des Sherlock Holmes ou des Dupin sur cette Terre où l’Ennemi fait toujours des siennes, et dans l’espace plus encore.
— Allons, je crois pouvoir vous mettre tous d’ac- cord, avec une histoire d’amour qui est aussi une énigme et une histoire de chien. C’est la suite de l’his-toire de Joyce O’Dwyer.
— Ah ! oui, ce Libre Navigateur qui a joué un si grand rôle dans votre expédition sur Ilion, en retrou- — Oui, c’est ce que je vous ai raconté l’autre jour. Mais la suite ? Si quelqu’un la connaît, je paie une tournée générale.
— Quel événement !— Dans le cas contraire, bien entendu, c’est vous

Source: http://www.eons.fr/catalogue/extraits/EPDF/E0117X.pdf

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Tardive Dyskinesia is a side effect of antipsychotic medications. If an antipsychotic medication or Amoxapine is prescribed, this policy must be followed in combination with the "Psychotropic Medications Administration Policy”. Persons who receive the service of medication administration and/or monitoring of medications from Home and Community Options, Inc. shall be free from chemical restr

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CURRICULUM VITAE Dr. V. Rama Mohan Gupta, M.Pharm, Ph.D Principal & Professor, Dept. of Pharmaceutics, Pulla Reddy Institute of PharmacyNear Dundigal Air Force AcademyAnnaram (V), Jinnaram (M) Medak (Dt)Andhrapradesh – 502313Ph. (M) 91-9490081629, (O) 08458-274464/65E-mail: Research Interests: Development of different multiparticulate carrier systems to target different organs a

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