J Gynecol Obstet Biol Reprod 2003 ; 32 : 466-475. Travail original Allaitement maternel et médicaments G. Gremmo-Féger*, M. Dobrzynski**, M. Collet* * Service de Gynécologie Obstétrique,** Service de Pédiatrie, CHU Brest, 5, avenue Foch, 29609 Brest Cedex.RÉSUMÉ L’allaitement maternel présente de très nombreux avantages pour la mère et l’enfant. La prise de médicaments pendant l’allaitement est un dilemme pour les praticiens et débouche souvent sur une contre-indication ou un arrêt de l’allaitement. Il n’y a pourtant que très peu de médicaments qui présentent des risques cliniquement significatifs pour les nourrissons allaités. Quand une mère qui allaite doit prendre des médicaments, la décision d’initier et/ou de poursuivre ou non l’allai- tement ne doit pas être prise à la légère ; il est nécessaire d’évaluer de façon individualisée le rapport bénéfice de l’allai- tement et du traitement/risque lié à l’exposition au médicament ; cette évaluation doit reposer sur des informations scientifiques validées et actualisées. Cette revue a plusieurs objectifs : 1) faire le point sur les données épidémiologiques publiées concernant les effets indé- sirables observés chez les nourrissons allaités en cas de prise de médicaments par la mère et sur l’attitude des prescrip- teurs et des patientes en cas d’exposition à des médicaments pendant l’allaitement ; 2) comprendre les données pharmacocinétiques pour savoir les utiliser en association avec les données cliniques pour choisir sans a priori le médi- cament le plus adapté à la pathologie de la mère et posant le moins de risques pour l’enfant ; 3) apporter des données sur certains médicaments ainsi que des sources d’informations qui pourront être utilement consultées. Mots-clés : Allaitement maternel • Médicaments • Effets indésirables • Prescription • Lait maternel. SUMMARY: Breastfeeding and drugs. Breastfeeding offers several advantages for the mother and infant. Taking drugs while breastfeeding however creates a dilemma for practitioners and often leads to a contraindication or interruption of breastfeeding. There are however very few drugs which present clinically significant risk for the breastfed child. When the mother has to take drugs, the decision to initiate or continue breastfeeding or not must be made with special care after evaluating the individual benefit/risk ratio resulting from breastfeeding and drug exposure. Evidence-based medicine is the key. The purpose of the present review is 1) to present the epidemiological data available concerning undesirable effects in infants breastfed by mothers taking drugs and on the attitude of prescribers and patients in the event of exposure to drugs while breastfeeding; 2) to analyze the pharmacokinetic data to determine the appropriate management approach in particular clinical situations; 3) to present data concerning certain drugs and sources of information useful for further study. Key words: Breast feeding • Drugs • Adverse effects • Prescription • Mother’s milk.
L’allaitement maternel est reconnu comme étant la
ment des enfants [1]. Avec l’augmentation de la
forme d’alimentation la plus adaptée pour les nour-
prévalence et de la durée de l’allaitement les occa-
rissons et les jeunes enfants. Le lait maternel contient
sions pour les mères d’avoir besoin de prendre des
de très nombreuses substances biologiquement acti-
médicaments sont plus nombreuses et posent le pro-
ves qu’il est impossible d’inclure dans les prépara-
blème du risque de l’exposition du nourrisson au
tions commerciales pour nourrissons ; en ce qui
médicament pris par sa mère. L’indication d’un trai-
concerne les nutriments, même si les laits artificiels
tement médicamenteux est une cause fréquente
en contiennent à peu près les mêmes quantités que le
d’arrêt abusif de l’allaitement [4-7]. Compte tenu des
lait maternel, leur qualité n’est pas équivalente [1-4].
nombreux avantages de l’allaitement la décision de
Les avantages de l’allaitement ne sont d’ailleurs pas
l’interrompre ou de le contre-indiquer ne peut se jus-
que nutritionnels et un très grand nombre de publica-
tifier que si les risques pour l’enfant sont supérieurs
tions dans la littérature scientifique mettent en évi-
aux bénéfices attendus. Cet article a pour objectifs de
dence les bienfaits de l’allaitement sur la santé des
faire le point sur les données épidémiologiques
mères et sur la santé, la croissance et le développe-
publiées concernant les effets indésirables observés
Tirés à part : G. Gremmo-Féger, à l’adresse ci-dessus. E-mail : gisele.gremmo-feger@chu-brest.fr Reçu le 12 décembre 2002. Avis du Comité de Lecture le 12 février 2003. Définitivement accepté le 09 mai 2003. Travail original • Allaitement maternel et médicaments
chez les nourrissons allaités en cas de prise de médi-
mère : cette vaste enquête réalisée au Canada, a porté
caments par la mère et sur l’attitude des prescripteurs
sur 838 enfants allaités dont les mères avaient
et des patientes en cas d’exposition à des médica-
contacté un centre d’informations sur les médica-
ments pendant l’allaitement ; de comprendre les
ments, la grossesse et l’allaitement (the Motherisk
données pharmacocinétiques pour savoir les utiliser
Program) parce qu’elles devaient prendre un (80,2 %
en association avec les données cliniques afin de
des mères) ou plusieurs médicaments (19,8 % des
choisir sans a priori le médicament le plus adapté à
mères) [11]. À la consultation téléphonique initiale
la pathologie de la mère et posant le moins de
61,3 % des enfants étaient âgés de moins de 3 mois
risques pour l’enfant ; d’apporter des informations
et 27,6 % de moins de 1 mois. Le suivi était assuré
sur un certain nombre de médicaments et d’indiquer
par questionnaire téléphonique. Les quatre types de
des ouvrages de référence qui pourront être utilement
médicaments les plus fréquemment concernés étaient
consultés pour l’aide à la prescription.
des analgésiques (23,4 %), des antibiotiques (20 %),des antihistaminiques (10 %) et des sédatifs (5 %). Les résultats de cette enquête sont très rassurants :
DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES
aucun effet indésirable majeur n’a été observé. Deseffets indésirables mineurs ont été rapportés dans
Les publications d’effets indésirables sévères chez
11,2 % des cas, aucun n’ayant conduit à une consul-
des nourrissons liés à la présence d’un médicament
tation médicale ou à un arrêt du médicament ou de
dans le lait maternel sont très rares [8, 9]. La prise
l’allaitement. Il s’agissait essentiellement de diarrhée,
de médicaments pendant la grossesse ou l’allaite-
d’irritabilité ou de somnolence, survenant un peu plus
ment est pourtant fréquente : dans une étude portant
souvent chez les enfants dont les mères prenaient
sur 14 000 femmes enceintes ou allaitantes, 79 %
plusieurs médicaments (15,7 %) qu’un seul (10,1 %).
avaient utilisé au moins un médicament avec en
Il faut noter que comme les mères avaient contacté le
moyenne 3,3 médicaments différents pendant la durée
centre d’informations elles étaient averties des effets
de l’allaitement [9]. Il existe quelques rares cas isolés
indésirables potentiels liés à la prise des médicaments
d’enfants allaités ayant présenté des effets indésira-
et ainsi possiblement orientées vers la reconnaissance
bles notables parfois sévères après exposition à
de certains symptômes discrets ce qui peut représen-
certains médicaments consommés par leur mère ; on
peut citer sans être toutefois exhaustif : un cas
En dépit de la rareté des effets indésirables rappor-
d’hypotension avec bradycardie lié à un traitement
tés, de nombreuses mères qui allaitent et doivent
maternel par acébutolol, un cas de cyanose avec bra-
prendre des médicaments s’entendent dire qu’elles
dycardie chez un nourrisson dont la mère prenait de
doivent arrêter d’allaiter [4-7]. En cas de nécessité de
l’aténolol [6] ; deux cas de somnolence importante
prescription chez une femme allaitante, l’attitude la
dont un avec dépression respiratoire en rapport avec
plus répandue consiste à regarder dans la rubrique
un traitement maternel par doxépine (Quitaxon®)
« grossesse et allaitement » du Résumé des Caracté-
pour troubles dépressifs ; [8] un cas de colite pseudo-
ristiques du Produit (RCP) du dictionnaire Vidal [12] ;
membraneuse perforée chez un nourrisson de 2 mois
cependant pour éviter tout risque médico-légal la
allaité dans un contexte d’automédication maternelle
conduite à tenir la plus couramment mentionnée est
par ciprofloxacine ; [10] un cas d’acidose métabolique
de déconseiller ou de contre-indiquer l’allaitement ce
chez un nourrisson âgé de 16 jours dont la mère pre-
qui n’encourage guère les praticiens à recommander
nait 650 mg d’aspirine six fois par jour en raison
sa poursuite [5, 12, 13]. Les RCP du Vidal sont une
d’une arthrite (3,9 g/j) : [6, 7] comme il n’y a pas eu
source d’information insuffisante en ce qui concerne
de dosage dans le lait et que le taux sanguin chez
l’action des médicaments pendant la lactation car
l’enfant (240 mg/l) 3 jours après arrêt de l’allaitement
elles sont généralement incomplètes, parfois non
était beaucoup plus élevé que ce à quoi on pouvait
fiables et souvent trop restrictives [8, 13, 14]. Une
s’attendre, il n’a pas été possible d’exclure une intoxi-
publication récente met à juste titre l’accent sur cer-
cation par administration directe à l’enfant.
taines de ces insuffisances [8] : pas de mise en garde
À l’exception de ces quelques rares cas isolés, il y
spécifique pour allaitement et doxépine (Quitaxon®)
a très peu de données épidémiologiques publiées [8].
en dépit de la publication de deux observations
Il n’existe qu’une seule étude prospective portant sur
d’accidents sévères citées ci-dessus, usage « décon-
les effets indésirables observés chez des nourrissons
seillé » de la warfarine pourtant citée comme anticoa-
allaités en rapport avec la prise de médicament par la
gulant de référence pendant l’allaitement dans de
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 32, n° 5, 2003
nombreuses recommandations [6, 7, 9, 13], absence
Chez les mères traitées pour une affection chronique
d’orientation pour le choix d’un bêtabloquant ou d’un
la décision d’allaiter est beaucoup moins fréquente et
anti-vitamine K. Citons également le fluconazole
la durée d’allaitement beaucoup moins longue ; c’est
(Triflucan®), lui aussi, « contre-indiqué » [12] alors
ce qui ressort de l’enquête précédente [18] et est éga-
que ce médicament, recommandé et souvent seul
lement mis en évidence dans une étude d’Ito réalisée
recours pour le traitement de la candidose des canaux
auprès d’un groupe de 34 femmes traitées par anti-
lactifères [13, 15, 16] est considéré comme compatible
épileptiques, et pour lesquelles comparativement au
dans de nombreux ouvrages de référence [7, 13] ; il
groupe contrôle, le taux d’allaitement est de 50 %
est d’ailleurs couramment prescrit en néonatologie y
versus 85 % (p = 0,004) et sa durée en mois de 4,7 ±
compris chez des nouveau-nés de très faibles poids
2,6 versus 9,3 ± 5,7 (p < 0,005) [20]. Là, encore la
décision d’allaiter ou non est nettement corrélée à
Une enquête publiée récemment sur le choix de
l’allaitement en fonction des conseils donnés par des
La prescription de médicaments pendant l’allaite-
médecins à des patientes traitées par Propylthiouracil
ment pose aussi le problème de l’observance du trai-
(PTU) met en évidence que l’avis et les attitudes des
tement : le suivi prospectif de 125 mères auxquelles
médecins dans cette situation ont une influence
avaient été prescrites un antibiotique en mono-
déterminante sur la décision maternelle d’allaiter ou
thérapie montre que 15 % des mères n’ont pas pris le
non [18]. Le PTU réduit la production et la sécrétion
traitement et que 7 % ont arrêté d’allaiter alors que
de thyroxine par la thyroïde, et c’est le médicament de
ces mères qui avaient contacté le centre d’informa-
référence pour la femme qui allaite ayant besoin d’untraitement pour l’hyperthyroïdie. Il existe un consensus
tions (the Motherisk Program) avaient été rassurées
quant à sa compatibilité avec l’allaitement [7, 9, 13] :
par téléphone sur la compatibilité du traitement avec
son passage lacté, bien étudié, est très faible et il
l’allaitement. Ce qui veut dire que même quand les
n’a pas d’impact sur la fonction thyroïdienne des
conseils sont rassurants et favorables à la poursuite
enfants allaités par leur mère sous PTU même dans
de l’allaitement, et on a vu que c’est loin d’être tou-
une étude récente en dépit de la prise de doses
jours le cas, une femme sur cinq ne prend pas le trai-
importantes par les mères, jusqu’à 750 mg/jour
tement prescrit ou arrête d’allaiter [21].
[19]. Dans le groupe de 36 mères sous PTU pen-dant l’allaitement, sur les 39 avis donnés, 13étaient contre ; les taux d’allaitement dans ce
DONNÉES PHARMACOCINÉTIQUES
groupe étaient de 44 % versus 83 % dans le groupe
ET CLINIQUES SERVANT DE BASE DE RÉFLEXION
de 30 mères ayant arrêté le PTU en post-partum
À LA PRESCRIPTION D’UN MÉDICAMENT PENDANT L’ALLAITEMENT
ainsi que dans le groupe contrôle de 36 mèresjamais traitées. Les mères sous PTU ayant reçu des
Même si la plupart des médicaments passent dans
conseils en faveur de l’allaitement choisissaient
le lait, leurs concentrations y sont généralement très
beaucoup plus souvent d’allaiter [RR : 5,48 ; IC
faibles et les quantités reçues par l’enfant souvent
= 95 % : 1,28-23,40] alors que celles qui n’allai-
infra-cliniques [13]. L’enfant « ne reçoit pas ce que
taient pas avaient reçu le conseil de ne pas allaiter.
sa mère reçoit » [5]. En règle générale, et même s’il
L’avis du médecin était le seul facteur prédictifsignificatif du mode d’alimentation choisi (p
y a des exceptions, l’enfant reçoit moins de 1 % de
= 0,017). L’enquête réalisée directement auprès
ce que sa mère a reçu [13]. Il est vrai cependant que
des médecins montrait que 44 % des endocrinolo-
même avec seulement 1 % certains médicaments
gistes déconseillaient d’allaiter en cas de traitement
peuvent poser un risque significatif chez des enfants
par PTU. Il est surprenant de constater que parmi
fragiles. La connaissance des mécanismes pharmaco-
ceux-ci, un sur quatre indiquait qu’il changerait son
cinétiques du passage des médicaments dans le lait,
conseil de « contre » à « pour » l’allaitement si la
permet de comprendre pourquoi il n’y a qu’une faible
patiente exprimait le souhait d’allaiter. Pour 81 %
quantité de substance qui passe dans le lait et finale-
des médecins qui déconseillaient l’allaitement la
ment chez l’enfant ; l’estimation du degré d’exposi-
principale raison invoquée pour ne pas le recom-
tion de l’enfant et de l’éventuel impact du médicament
mander était la quantité de médicament présente
permettent de choisir le traitement posant le moins de
Travail original • Allaitement maternel et médicaments Mécanismes du passage des médicaments
exprimée sous forme d’un pourcentage qui donne une
dans le lait maternel
estimation de la quantité de substance active qui seretrouvera dans le compartiment plasmatique après
Chez la femme qui allaite, le lait et le plasma
avoir été absorbée par voie orale. Citons parmi les
peuvent être considérés comme deux compartiments
substances à faible biodisponibilité orale : la mor-
physiologiques indépendants [13]. Le médicament
phine (26 %), l’aciclovir (15-30 %), le sumatriptan
qui se trouve dans la circulation sanguine doit traver-
(10-15 %), la dompéridone (13-17 %), le lopéramide
ser les membranes biologiques (paroi capillaire, mem-
(0,3 %), le sulfate de magnésium (< 15 %) et ceux
brane basale, paroi des cellules alvéolaires sécrétoires)
dont l’efficacité repose sur leur administration par
pour atteindre les alvéoles de stockage du lait [22]. Le
voie parentérale et qui ont donc peu de risque de fran-
passage d’un médicament à travers une membrane
chir la barrière digestive de l’enfant en quantité signi-
biologique ne concerne que sa fraction libre et non-
ficative (vancomycine, aminosides, céphalosporines
ionisée [6, 22]. Les médicaments pénètrent dans le
lait essentiellement par un mécanisme de diffusionpassive qui dépend du gradient de concentration entre
• Le volume de distribution représente la capacité
les deux compartiments lacté et sanguin. Dans la
d’une substance à diffuser plus ou moins largement
plupart des cas les médicaments ont un taux lacté en
dans l’organisme ; quand il est élevé le médicament
équilibre avec le taux plasmatique, qui est donc le
à tendance à quitter rapidement le compartiment plas-
déterminant le plus important du passage lacté d’un
matique et à se concentrer dans les tissus (digoxine,
médicament [5, 6, 13]. Rappelons que les posologies
antidépresseurs…) ce qui implique que même si la
des médicaments se chiffrent en milligrammes alors
demi-vie d’un médicament est longue, son taux plas-
que les concentrations plasmatiques sont générale-
matique est bas et donc le passage lacté généralement
ment de l’ordre du micro ou du nanogramme.
Assez souvent (mais il y a des exceptions) le taux
• La dose et la durée du traitement.
lacté évolue parallèlement au taux plasmatique : quand
• Le métabolisme hépatique et rénal de la mère.
le taux plasmatique d’un médicament augmente, sontaux lacté s’élève aussi ; quand le taux plasmatique
diminue, le taux lacté baisse et le médicament repasse
dans le compartiment plasmatique [13]. De rares subs-tances font l’objet d’un transfert actif (l’iode et
• Le degré d’ionisation du médicament : il dépend
surtout l’iode radioactif) et sont retrouvées dans le lait
de son pKa (lequel correspond au pH auquel une
en plus grande quantité que dans le plasma.
substance est en équilibre entre sa forme ionisée etnon ionisée) et du pH du milieu : plus une substance
De nombreux facteurs influencent le passage
est ionisée moins elle diffuse au travers des membra-
d’un médicament de la mère à l’enfant via le lait maternel
nes biologiques. Les acides faibles sont générale-ment plus ionisés et passent donc moins facilement
Facteurs déterminants la concentration plasmatique
que les bases faibles ; et comme le pH du lait (7,2)
est légèrement plus acide que celui du plasma lesmédicaments qui sont des bases faibles (barbituri-
• La biodisponibilité : elle représente la quantité de
ques, β−bloquants) peuvent se trouver piégés dans le
médicament qui atteint la circulation générale en un
temps donné. Elle est la conjonction de la résorption
• La liposolubilité : plus une substance est liposo-
de la substance à travers une membrane biologique etde l’effet de premier passage, notamment au niveau du
luble, plus elle passe facilement dans le lait. Les
foie, lequel modifie la structure de la substance en méta-
médicaments actifs au niveau du système nerveux
bolites généralement beaucoup moins diffusibles [22].
central ont généralement une structure physico-chi-
Elle dépend évidemment beaucoup de la voie d’admi-
mique qui les rend très liposolubles [13].
nistration (orale, pulmonaire, cutanée, parentérale,
• La liaison aux protéines plasmatiques : c’est le
vaginale, rectale…). Les médicaments qui ont une
paramètre le plus important, car seule la fraction
faible biodisponibilité orale sont généralement faible-
libre du médicament peut passer dans le lait. Les
ment absorbés par le tube digestif, et/ou largement
médicaments fortement liés aux protéines (> 90 %)
captés au niveau du foie où ils sont transformés par
ont un faible passage lacté (anti-inflammatoires non-
les enzymes hépatiques. La biodisponibilité orale est
stéroïdiens, paroxétine, propranolol, warfarine…).
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 32, n° 5, 2003
• Le poids moléculaire (PM) : quand il est très fai-
varier d’heure en heure en fonction de l’évolution des
ble (< 200 daltons) comme l’éthanol il y a un passage
concentrations dans les deux compartiments. Il est
par diffusion directe par l’espace intercellulaire ; par
souvent mal interprété et il peut même donner la
contre les substances dont le PM est supérieur à 800-
fausse impression que de grandes quantités de médi-
1 000 daltons passent plus difficilement dans le lait ;
cament passent dans le lait : en effet même s’il est élevé
pour les substances dont le PM est très élevé
(> 1 à 5), la quantité de médicament qui passe dans le
(25 000 à 200 000) il n’y a pratiquement pas de pas-
lait est avant tout déterminée par sa concentration dans
sage lacté (insuline, interféron, immunoglobulines,
le sang de la mère ; donc, même si un médicament a
héparine y compris héparine de bas PM).
un L/P élevé, si le taux plasmatique de ce médicament
• La demi-vie : elle représente le temps nécessaire
est bas, la quantité de médicament qui passera dans le
pour que la concentration plasmatique d’une subs-
lait sera faible de toute façon [6, 13, 23, 25].
tance diminue de moitié. Plus elle est courte moins il
C’est la raison pour laquelle les pharmacologues
y a de risques de passage dans le lait. Les substances
s’attachent à mesurer l’évolution des concentrations
à demi-vie courte (1-3 heures) ont un pic plasmatique
du médicament en fonction du temps dans le lait et
qui est atteint rapidement : si le médicament est pris
dans le plasma ce qui fournit des données beaucoup
juste après une tétée le taux plasmatique au moment
plus fiables, et même indispensables pour les médi-
de la tétée suivante aura probablement beaucoup
caments dont les concentrations n’évoluent pas en
diminué [13]. On considère que au bout de 4 demi-
parallèle entre les différents compartiments biologi-
vies il ne reste que environ 10 % de la substance dans
ques (bupropion, sumatriptan, sertraline, paroxé-
l’organisme et qu’il faut généralement 5 demi-vies
tine…). Ces mesures permettent de connaître la
pour qu’elle soit complètement éliminée [22, 23].
concentration maximale (Cmax) ou la concentration
• L’existence de métabolites actifs qui peuvent
moyenne (Cmoy) désignée par le terme d’aire ou
avoir une demi-vie plus longue que celles de la subs-
surface sous la courbe (SSC, AUC en anglais, area
tance mère (diazépam, fluoxétine, amitriptyline…)
under the curve) et de calculer un L/P moyen. Le
• En tout début de lactation, l’épithélium alvéolaire
rapport L/P peut servir à évaluer la concentration de
est beaucoup plus perméable car les connections
médicament dans le lait à partir d’une concentration
intercellulaires ne sont pas jointives ; la concentration
plasmatique moyenne ou maximale connue : concen-
lactée des médicaments peut donc être plus élevée
tration lactée = concentration plasmatique X rapport
mais étant donné le faible volume de colostrum
L/P. Mais ces mesures sont difficiles à obtenir et afin
secrété et consommé la dose totale reçue par l’enfant
de pouvoir comparer les études une uniformisation
méthodologique à tous les stades des processus tantde recueils que de mesures s’impose [23].
• La composition du lait évolue au cours du temps :
si le PH est relativement stable une fois la lactation
Devenir du médicament chez l’enfant
bien établie [23], la concentration en graisses aug-
et estimation de son degré d’exposition
mente parallèlement à la vidange du sein et est à l’ori-gine de variations importantes liées en partie aux
Une fois le médicament dans le compartiment
capacités de stockage mammaire [24]. Ces variations
lacté, il va rejoindre au cours d’une tétée le tube
sont à l’origine de modifications des concentrations
digestif de l’enfant où il sera plus ou moins absorbé.
de médicaments surtout pour les substances très lipo-
La concentration du médicament qui atteint le plasma
de la concentration lactée du médicament,
Estimation du passage lacté du médicament
Le rapport des concentrations d’une substance
— du volume de lait ingéré, variable selon l’âge de
entre le lait et le plasma est exprimé par le rapport
l’enfant et le caractère plus ou moins exclusif de
lait/plasma (L/P). Il donne un ordre de grandeur du
passage lacté du médicament et évidemment plus il
— de la biodisponibilité orale du médicament chez
est bas (< 1 %) mieux c’est. Parmi les médicaments
l’enfant : elle peut être différente de celle de l’adulte
pour lesquels des données sont disponibles, la plupart
en raison de la plus grande superficie du tractus gas-
ont un L/P ≤ 1 ; il est > 1 dans environ 25 % des cas
tro-intestinal par rapport au poids corporel, de la
et > 2 dans environ 15 % des cas [25]. Mais la mesure
motricité, du pH et du cycle entéro-hépatique [22]. Il
du rapport lait/plasma n’est qu’un instantané et il peut
n’existe pratiquement pas de données chiffrées sur la
Travail original • Allaitement maternel et médicaments
biodisponibilité orale chez le nouveau-né et nourris-
compare cette dose à la dose adulte exprimée en
son ; le moment où elle est théoriquement le plus éle-
µg/kg/jour : 50 mg/j pour un poids moyen de 65 kg
vée se situe en période néonatale. Cela dit, si elle est
soit 769 µg/kg/j, cela donne une dose enfant relative
faible chez l’adulte, il est probable qu’elle l’est aussi
à celle de l’adulte de 1,97 % soit bien en deçà des
chez l’enfant surtout pour les substances dont l’effet
valeurs considérées comme acceptables. Les dosages
sanguins effectués chez les enfants étaient d’ailleurs
Une fois que le médicament a atteint le comparti-
tous inférieurs au seuil de détection (< 2 ng/litre) et
ment plasmatique de l’enfant il faut prendre en
aucun effet indésirable n’a été observé.
considération ses possibilités d’élimination qui repo-
Le dosage plasmatique du médicament chez
sent essentiellement sur les métabolismes hépatique
l’enfant est souvent possible et reste la mesure la plus
et rénal. La clairance métabolique totale est estimée
objective [23]. Il est recommandé pour les médica-
à approximativement 5 %, 10 %, 33 %, 50 %, 66 %
ments à index thérapeutiques étroits (digoxine), pour
et 100 % des valeurs adultes à respectivement 24-28,
ceux qui ont une demi-vie longue et sont à risque
28-34, 34-40, 40-44, 44-68 et > 68 semaines d’âge
d’accumulation (psychotropes), ceux qui sont habi-
post-conceptionnel [23]. La demi-vie des médica-
tuellement surveillés par dosages sanguins (anti-
ments est donc généralement d’autant plus longue
convulsivants) et pour les substances à risque signifi-
chez l’enfant qu’il est plus immature et plus jeune et
catif mais pour lesquelles l’évaluation individuelle du
les substances à demi-vie longue peuvent s’accumuler
rapport bénéfice/risque est en faveur de l’allaitement
et donner des taux plasmatiques élevés [13].
maternel. S’il s’agit d’un médicament à demi-vie
On peut évaluer la dose absolue que l’enfant reçoit
longue et qui a atteint un état d’équilibre il n’est pas
en multipliant la concentration lactée du médicament
nécessaire de tenir compte de l’heure de prise du médi-
(si elle est connue) par le volume de lait ingéré. Le
cament pour programmer la prise de sang [23].
produit de la concentration moyenne du médicament
La figure 1 donne une représentation schématique
dans le lait (exprimée en ng ou µg/litre) par un
du circuit d’un médicament de la mère à l’enfant via
volume de lait consommé moyen (généralement
le lait maternel et des facteurs qui l’influencent.
estimé à 0,150 litre/kg/jour) permet d’obtenir unedose théorique reçue par l’enfant (Cmoy X 0,150 l/kg). En pratique deux situations différentes
Elle peut être comparée à la dose thérapeutique pédia-
peuvent se présenter
trique s’il s’agit d’un médicament utilisé en pédiatrieou à la dose maternelle ajustée pour le poids. La dose
Soit une maladie aiguë survenant en cours d’allai-
théorique reçue par l’enfant peut être exprimée en
tement, le traitement sera généralement court et s’il
pourcentage ce qui donne un index d’exposition ou
est vraiment indispensable et incompatible avec
dose enfant relative pour lequel les spécialistes
l’allaitement, l’allaitement peut être temporairement
s’accordent à définir une limite arbitraire de 10 % en
suspendu et il faudra encourager la mère à maintenir
deçà de laquelle les effets cliniques sont très proba-
la lactation en tirant et en jetant son lait pendant la
blement insignifiants pour des nouveau-nés à terme
et en bonne santé [6, 23, 24]. Un niveau de risque
Soit une affection chronique pour laquelle le trai-
maximal peut être estimé en utilisant les Cmax dans
tement pris au long cours est généralement antérieur
le lait plutôt que les valeurs moyennes et des quantités
à la grossesse. Pendant la grossesse même si les subs-
de lait consommées plus importantes.
tances actives sont métabolisées par le rein et le foie
En se basant sur les données de l’étude de Stowe
maternel, les concentrations de médicament qui attei-
[26] qui incluait 16 bébés exclusivement allaités
gnent le fœtus sont supérieures à celles qui atteignent
par leur mère traitée par un inhibiteur de la recap-
l’enfant via le lait maternel et ce à une période parti-
ture de la sérotonine, la paroxétine (Deroxat®) depuis
culièrement importante de son développement [6].
10 jours, on peut calculer la dose théorique reçue par
Quand des effets indésirables surviennent chez un
l’enfant. La concentration lactée maximale de paroxé-
enfant allaité en post-partum, ils sont plus probable-
tine mesurée dans 108 échantillons était de 17 µg,
ment la conséquence de l’exposition au médicament
45 µg, 70 µg, 92 µg et 101 µg par litre pour des doses
in utero que celle liée à l’allaitement [13]. Les médi-
maternelles respectives de 10, 20, 30, 40, 50 mg/jour.
caments les plus souvent concernés sont les psycho-
En prenant le cas d’une mère prenant 50 mg/j, la dose
tropes, les anti-hypertenseurs, les corticoïdes, ou les
théorique reçue par l’enfant peut être estimée à :
immunosuppresseurs. Il peut également s’agir de trai-
[101 µg/l X 0,150 litre/kg/j] soit 15,15 µg/kg/j. Si on
tement substitutifs (méthadone ou Subutex®). Dans
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 32, n° 5, 2003
alcaloïdes de l’ergot de seigle, sels d’or, phénindione,
rétinoïdes, lithium, amiodarone, isotopes radioactifs
— Être particulièrement vigilant avec les médica-
ments qui peuvent entraîner une sédation (anxiolytiques,
antidépresseurs, neuroleptiques), surtout s’ils ont unelongue demi-vie et sont de ce fait à risque d’accumu-
lation en particulier chez les enfants dont le métabo-
Degré d'ionisation du médicamentLiposolubilité
— Penser aux substances qui peuvent diminuer la
production de lait (oestrogènes, ergotamine, bromo-
— À l’intérieur d’une même classe thérapeutique
• choisir les médicaments qui ont des données
publiées sur leur passage lacté, plutôt que ceux plusrécemment mis sur le marché.
• choisir de préférence des médicaments utilisables
chez le nouveau-né et le nourrisson.
utiliser les données pharmacocinétiques
choisir de préférence un médicament ayant une faible
biodisponibilité orale, fortement lié aux protéines
Terme, Age post-natal →→ Métabolisme hépatique et rénal
plasmatiques, à demi-vie courte et sans métabolitesactifs.
— Utiliser la posologie la plus faible utile et favo-
riser les voies d’administration locales qui donnentles taux plasmatiques les plus faibles et des taux lactés
Représentation schématique du circuit d’un médicament
de la mère à l’enfant via le lait maternel et des facteurs
— Prendre le médicament de préférence à la fin
qui l’influencent. Schematic representation of the drug circuit from
d’une tétée, ce qui n’est pas toujours facile à réaliser
mother to child vial maternal milk and intervening
en pratique surtout au début de l’allaitement mais
peut être proposé en particulier aux mères d’enfantshospitalisés qui tirent leur lait et peuvent programmer
toutes ces situations, il est recommandé d’aborder le
les séances d’expression par rapport aux prises de
problème de l’allaitement bien avant la naissance,
afin de réunir les informations pertinentes, de les
— Estimer le degré d’exposition par le calcul des
transmettre aux parents et de définir avec eux les
doses théoriques absolue et relative : une dose enfant
modalités de surveillance éventuellement nécessaires.
relative < 10 % est généralement considérée commeacceptable. Conduite à tenir pratique en cas ce nécessité
— Tenir compte des éventuelles interactions médi-
de prescription médicamenteuse pendant l’allaitement
camenteuses entre un médicament pris par l’enfantet ceux auxquels il pourrait être exposé via le lait
— Évaluer de façon individuelle le rapport bénéfice/
risque en tenant compte du type du médicament et des
Le tableau I apporte des indications pour un certain
effets secondaires, de l’âge de l’enfant, de son degré
d’immaturité lequel conditionne sa capacité à méta-boliser les médicaments, d’une éventuelle pathologie(déficit en G6PD qui expose à des accidents hémoly-
SOURCE D’INFORMATIONS POUR LA PRESCRIPTION
tiques), des possibilités de surveillance. D’UN MÉDICAMENT PENDANT L’ALLAITEMENT
— Connaître les médicaments associés à des acci-
dents sévères (voir plus haut) ou qui présentent des
Les données sur le transfert des médicaments dans
risques de complications graves ou qui donne des
le lait et leurs possibles répercussions chez l’enfant
taux lactés élevés : anticancéreux, chloramphénicol,
ne cessent de s’accumuler ; pour prescrire un médi-
Travail original • Allaitement maternel et médicaments Tableau I
Données concernant certains médicaments. Antimicrobiens Classe de médicaments posant peu de problèmes de compatibilité avec l’allaitement ; garder à l’esprit le risque tou-jours possible, non dose-dépendant, de sensibilisation allergique ou de modification de la flore intestinale [6, 22].
Retrouvées dans le lait en quantité insignifiante ; compatibles.
Faible passage lacté et très faible biodisponibilité orale d’où effets systémiques improbables chez le nourrisson exposé via le lait.
La ciprofloxacine donne des concentrations lactées très variables et est associée à un cas de colite pseudo-membraneuse ; à éviter. Les molécules plus récentes comme la norfloxacine ou l’ofloxacine donnent des taux lactés plus faibles ; il est très peu probable qu’elles puissent être responsables d’arthropathie aux doses reçues par le lait [13].
Sécrétés dans le lait en faible quantité ; compatibles.
Bien étudié pendant l’allaitement. Les concentrations mesurées dans le lait sont faibles à modérées et la dose théorique reçue par l’enfant (2,3 mg/kg/j) qui peut représenter jusqu’à 24 % de la dose maternelle [13] reste cependant très inférieure aux doses pédiatriques utilisées (7,5-30 mg/kg/j) ; les concentrations plasmatiques mesurées chez les NRS allaités sont en dessous des valeurs thérapeutiques et aucun effet indé-sirable n’a jamais été rapporté. Rappelons que ce médicament est couramment utilisé en néonatologie et notamment chez des prématurés, sans effet secondaire rapporté jusqu’à ce jour. [13, 27] Il peut donc être utilisé sans risque pendant l’allaitement.
Donne de faibles taux lactés et est très peu biodisponible oralement ; peut donc être prescrit pendant l’allaitement.
Couramment prescrit en néonatologie y compris chez des nouveau-nés de très fai-bles poids de naissance ; recommandé et souvent seul recours pour traiter la candi-dose des canaux lactifères [13, 15, 16] ; considéré compatible dans de nombreux ouvrages de référence [7, 13]. Analgésiques
Secrété en très faible quantité dans le lait et utilisé depuis longtemps en pédiatrie y compris chez NN de très faible poids de naissance.
Acides faibles, fortement liés aux protéines plasmatiques ; leur passage lacté est donc très faible [13, 22] ; on prescrira de préférence des substances à demi-vie courte et sans métabolite actif : l’ibuprofène est le meilleur choix.
Passe très faiblement dans le lait ; usage possible en prise ponctuelle, mais pharma-cocinétique non linéaire (la quantité qui passe dans le lait en cas d’augmentation de la posologie n’est pas linéaire et le médicament peut s’accumuler dans le lait) donc usage répété de fortes doses déconseillé.
Rapport L/P compris entre 1,1 et 3,6 [13] ; demi-vie très prolongée chez les NN ; aucun effet secondaire rapporté ; sa faible biodisponibilité orale explique que les quantités absorbées par l’enfant sont probablement infra cliniques ; en post-partum son usage par voie IM ou IV avec pompes PCA n’est probablement pas dangereux, en raison des faibles quantités de colostrum consommées et de la courte durée du traitement [7, 13]. Antihistaminiques
Ceux de dernière génération, loratadine (Clarytine®) ou cetirizine (Zyrtec®, Virlix®) sont le meilleur choix. Anticoagulants
L’héparine y compris de bas PM est compatible ; parmi les AVK, Pindione®, Tro-mexane® et Préviscan® contre-indiqués ; warfarine (Coumadine®) et acénocoumarol (Sintrom®) compatibles [7, 13, 22]. Endocrinologie Corticoïdes
Compatibles avec l’allaitement car très faible passage lacté. Même à des doses éle-
vées de prednisone (80 mg) la dose reçue par l’enfant correspond à environ 10 % de sa production endogène. L’utilisation de fortes doses (1 000 mg) de méthylpredniso-lone en bolus IV au cours de l’allaitement, n’a pas été précisément évaluée, mais en s’appuyant sur les données pharmacocinétiques bien documentées pour cette subs-tance, une simulation des courbes d’élimination montre qu’elle est complète et très rapide et que les doses reçues par l’enfant sont probablement négligeables. Jeter le lait maternel exprimé dans les 4 à 8 heures suivant l’injection peut permettre de réduire considérablement le risque d’exposition de l’enfant tout en permettant la poursuite de l’allaitement [13].
β-bloquants
Ce sont des bases faibles qui passent bien dans le lait mais la quantité reçue via le lait est peu importante en raison du faible taux plasmatique. Il faut choisir de préfé-rence ceux ayant une forte liaison protéines et une demi-vie courte : le propranolol (Avlocardyl®), et le labétalol (Trandate®) sont les meilleurs choix.
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 32, n° 5, 2003
Tableau I
(Suite) Données concernant certains médicaments. Psychotropes Classe de médicaments posant le plus de problèmes et de controverses : en effet, ces médicaments ont générale-ment des particularités pharmacocinétiques qui facilitent leur passage lacté, ils ont souvent une grande durée d’action et l’élimination est encore plus lente chez le nouveau-né, lequel y a cependant souvent déjà été exposé in utero. Leurs effets à moyen et à long terme sont mal connus.
Elles sont toutes lipophiles, non ionisées et très liées aux protéines plasmatiques [22]. Elles se différentient par leur demi-vie et l’existence d’éventuels métabolites actifs ; usage possible ponctuellement ou en traitement de courte durée ; le Seresta® et le Temesta® constituent le meilleur choix. Prise chronique déconseillée, surveillance de l’enfant indispensable.
Même si on a une longue expérience d’utilisation des tricycliques pendant l’allaite-ment (Laroxyl®, Motival® sans dépasser 100mg/j, Anafranil®, Tofranil®) on utilisera de préférence les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine qui ont beaucoup moins d’effets secondaires : la paroxétine (Deroxat®) a un très grand volume de distribution, pas de métabolite actif et une très forte liaison aux protéines plasmatiques, elle a donc un très faible passage lacté, bien évalué (voir plus haut) ; la sertraline (Zoloft®), bien étudiée également, a elle aussi un très faible passage lacté. Par contre le Prozac® (fluoxétine) est déconseillé : demi-vie très longue (86 h), métabolite actif à demi-vie également très longue (146 h), utilisation associée à des effets secondaires (coli-ques, agitation, moins bonne croissance pondérale) et taux sériques chez les NRS parfois très élevés [29]. Dépakine® et Tégrétol® sont préférables au Gardénal® qui a un important passage lacté. On a encore peu de données pour les molécules récentes lamotrigine, vigaba-trine, gabapentine, clobazam ; elles ne sont pas de facto contre-indiquées : un suivi des taux plasmatiques peut compléter la surveillance clinique.
cament pendant l’allaitement il est donc indispensa-
ou Breastfeeding and Human Lactation [32] donnent
ble de veiller à bien tenir à jour les sources
également des listes détaillées des médicaments
d’informations auxquelles on a recours. De nombreux
compatibles ou à utiliser avec précaution.
manuels proposent des listes de spécialités pharma-
Des revues spécialisées publient régulièrement des
ceutiques dont certaines sont considérées à tort
mises au point sur l’usage d’un médicament ou d’une
comme non compatibles avec l’allaitement [30] ; il
classe thérapeutique pendant l’allaitement : Les dos-
est recommandé de les confronter à d’autres ouvrages
siers de l’allaitement, Journal of Human Lactation,
ou à d’autres listes soit plus récents soit surtout mieux
Paediatric Drugs, Clinical Pharmacology and Thera-peutics, British Journal of Pharmacology, British
Parmi les ouvrages spécialisés, Medications andJournal of Clinical Pharmacology. La recherche
Mother’s milk [13] est très facile à utiliser en pratique
Internet permet en tapant le nom générique de trouver
clinique : complet et régulièrement réactualisé, c’est
le seul qui mentionne un niveau de risque de L (le
plus sûr) à L (contre-indiqué) pour chacune des spé-
CONCLUSION
Le Committee of Drugs de l’American Academy ofPediatrics [7] publie depuis 1983 dans la revue Pedia-
La plupart des médicaments sont compatibles avec
trics un document sur le passage des médicaments
l’allaitement et ses bénéfices dépassent souvent lar-
dans le lait maternel qui fait généralement autorité en
gement les risques liés au traitement. Il est presque
la matière [1]. La dernière mise à jour (2001) est dis-
toujours possible de trouver des médicaments
compatibles avec la poursuite de l’allaitement. La
crainte légitime d’effets indésirables, pourtant très
Citons également : Drugs in Pregnancy and Lac-
rares, la méconnaissance des mécanismes de la
tation (Briggs, 2001), Médicaments et Allaitement
pharmacocinétique et la non-prise en compte de
[22], Drugs and Human Lactation (Bennet, 1996).
l’importance de l’allaitement sont à l’origine de
Les ouvrages de référence sur l’allaitement maternel :
contre-indications abusives et désinvoltes. Quand il
Breastfeeding : a guide to the medical profession [31]
s’agit de prescrire un médicament à une mère qui
Travail original • Allaitement maternel et médicaments
allaite la solution de facilité est trop souvent de
infants exposed to maternal medication. Am J Obstet Gynecol
conseiller l’arrêt de l’allaitement. Il ne faut pas se
12. Dictionnaire Vidal OVP Editions du Vidal, Paris 2002.
limiter aux indications de la rubrique « grossesse et
13. Hale TW. Medications and mothers’milk, tenth edition. Phar-
allaitement » du Dictionnaire Vidal généralement
imprécises et trop restrictives. Il est indispensable de
14. Santé Canada X. L’allaitement. Les soins à la mère et au
rechercher des informations fiables, complètes et
nouveau-né dans une perspective familiale. Available from :
actualisées comme celles du livre de Hale, Medica-
http://www.hc-sc.gc.ca/hppb/enfance-jeunesse/cyfh/pdf/smpf/smpf07.pdf ; 2000. tions and Mother’s milk [13].
15. Merewood A, Philipp BL. Breastfeeding: conditions and
La connaissance des rares médicaments à risque, la
diseases. Pharmasoft publishing 2002: 52-5.
prise en compte des données pharmacologiques,
16. Hoover K. Breast pain during lactation that resolved with flu-
conazole: two case studies. J Hum Lact 1999; 15: 98-9.
l’identification des enfants les plus fragiles et l’éva-
17. Huang YC, Lin TY, Lien RI, Chou YH, Kuo CY, Yang PH, et
luation du degré d’exposition de l’enfant permettent
al. Fluconazole therapy in neonatal candidemia. Am J Perina-
de choisir en toute sécurité un traitement compatible.
Face à la nécessité de prescrire un médicament
18. Lee A, Moretti ME, Collantes A, Chong D, Mazzotta P, Koren
G, et al. Choice of breastfeeding and physicians’advice: a
chez une femme qui allaite ou souhaite allaiter le pra-
cohort study of women receiving propylthiouracil. Pediatrics
ticien par son attitude et la pertinence à la fois de
l’indication thérapeutique et des informations recher-
19. Momotani N, Yamashita R, Makino F, Noh JY, Ishikawa N, Ito
chées a une influence déterminante sur le choix et la
K. Thyroid function in wholly breast-feeding infants whosemothers take high doses of propylthiouracil. BR Clin Endocri-
poursuite de l’allaitement et par là même sur la bonne
20. Ito S, Moretti M, Chu M, Koren G. Initiation and duration of
Dans tous les cas les parents doivent pouvoir dis-
breastfeeding in women receiving antiepileptic drugs. Am JObstet Gynecol 1995; 172: 881-6.
poser des mêmes informations que le praticien et se
21. Ito S, Koren G, Einarson TR. Maternal noncompliance with
déterminer en toute connaissance de cause.
antibiotics during breast-feeding. Ann Pharmacother 1993; 27:40-2.
22. De Schuiteneer B., De Coninck N. Médicaments et allaite-
RÉFÉRENCES
23. Begg EJ, Duffull SB, Hackett LP, Ilett KF. Studying drugs in
human milk: Time to unify the approach. J Hum Lact 2002;
1. Dionne S, Jeffé S, Guay L, Saint-Germain MJ, Veilleux S.
L’allaitement maternel au Québec : lignes directrices. Qué-
24. Cregan MD, Hartmann PE. Computerized breast measure-
bec : Ministère de la Santé et des Services Sociaux, 2001.
ment from conception to weaning: clinical implications. J Hum
2. Akré J. L’allaitement maternel : prime de fidélité à nous-
mêmes. Arch Pediatr 2000 ; 7 : 549-53.
25. Ito S. Drug therapy for breast-feeding women. N Engl J Med
3. The American Academy of Pediatrics, Work group on breast-
feeding. Breastfeeding and the use of human milk. Pediatrics
26. Stowe ZN, Cohen LS, Hostetter A, Ritchie JC, Owens MJ,
Nemeroff CB. Paroxetine in human breast milk and nursing
4. Beaufrère B, Bresson JL, Briend A, Ghisolfi J, Goulet O,
infants. Am J Psychiatry 2000; 157: 185-9.
Navarro J, et al. La promotion de l’allaitement maternel : c’est
27. Moretti ME, Lee A, Ito S. Which drugs are contraindicated
aussi l’affaire des pédiatres. Arch Pediatr 2000 ; 7 : 1149-53.
during breastfeeding? Practice guidelines. Can Fam Physician
5. Newman J. What drugs can I take while breastfeeding? Can
6. Howard CR, Lawrence RA. Drugs and breastfeeding. Clin
28. Einarson A, Ho E, Koren G. Can we use metronidazole during
Perinatol 1999; 26: 447-78.
pregnancy and breastfeeding? Putting an end to the contro-
7. American Academy of Pediatrics Committee on Drugs. Trans-
versy. Can Fam Physician 2000; 46: 1053-4.
fer of drugs and other chemicals into human milk. Pediatrics
29. Chambers CD, Anderson PO, Thomas RG, Dick LM, Felix RJ,
Johnson KA, et al. Weight Gain in Infants Breastfed by
8. La Revue Prescrire : Penser aux médicaments présents dans
Mothers Who Take Fluoxetine. Pediatrics 1999; 104: 61.
le lait maternel. Rev Prescr 2001 ; 21 : 598-9.
30. Bouillé J, Francoual C, Hureau Rendu C. Pédiatrie en mater-
9. Howard CR, Lawrence RA. Xenobiotics and breastfeeding.
nité. 2e édition. Paris : Flammarion Médecine et Sciences ;
Pediatr Clin North Am 2001; 48: 485-504.
10. Harmon T, Burkhart G, Applebaum H. Perforated pseudo-
31. Lawrence RA, Lawrence RM. Breastfeeding: a guide for the
membranous colitis in the breast-fed infant. J Pediatr Surg
medical profession, 5th ed. St Louis, Missouri: Mosby, Inc;
11. Ito S, Blajchman A, Stephenson M, Eliopoulos C, Koren G.
32. Riordan J, Auerbach KG. Breastfeeding and human lactation
Prospective follow-up of adverse reactions in breast-fed
2nd ed. Sudbury, MA: Jones and Bartlett Publishers, 1998.
J Gynecol Obstet Biol Reprod / Volume 32, n° 5, 2003
PROF. STEVEN PAUL NISTICO’ CURRICULUM VITAE ET STUDIORUM Dati anagrafici Titoli di studio e accademici Esperienze di Ricerca e Professionali Lingue straniere Appartenenza a società scientifiche Attività Scientifica e di Ricerca Attività Didattica Attività Organizzativa Pubblicazioni Capitoli di volumi » 12 Dati anagrafici Luogo e Data
These criteria are subject to change without notice. Blood Donors must: • provide photo identification when registering• allow eight weeks between whole blood donations • provide proof of age at high school blood drivesDonors taking most antibiotics for acne are eligible. Individuals may donate blood 24 hours after last Those taking Accutane must wait one month after lastdose (if ta