Le risque de confusion en mati.wpd

Le risque de confusion en m atière de m arques de com m erce: contribution du linguiste dans le contex te du bilinguism e canadien Philippe Barbaud, linguiste
Qualia sémantique interne et externe
Pour le linguiste qui tient le discours juridique pour un corpus digne d’intérêt vis-à-vis de la recherche fondamentale ou appliquée de sa discipline, le critère bipolaire de la
transparence/opacité, c’est-à-dire la clarté ou l’obscurité de l’expression orale ou écrite,
s’articule nécessairement sur deux plans distincts d’un même module cognitif, celui de
l’interprétation sémantique, c’est-à-dire le sens dépendant de la totalité du langage. Il est
loisible de concevoir cette bipolarité comme une structure cognitive inscrite dans ce que
James Pustejovsky (1995) désigne sous le nom de qualia inhérente à la sémantique lexicale.
Sur le plan interne du langage, la qualia relative à l’interprétation sémantique est véhiculée
par la forme linguistique décontextualisée, celle qui relève de la description scientifique de
la langue en tant que système immanent, ce qui renvoie aux faits phonétiques et
alphabétiques, ainsi qu’aux mots et à leurs divers agencements en phrases. Sur le plan
externe du langage, la transparence sémantique est véhiculée par les pratiques orales et
écrites exercées par des usagers dans un contexte réel, ce qui fait appel aux nombreuses
ressources de la rhétorique et de la pragmatique, ces diverses pratiques pouvant s’analyser
comme autant d’actes véhiculant du sens. Aussi peut-on considérer comme naturel le lien
qui s’établit entre, d’une part, la qualia sémantique interne et le concept linguistique de
“locuteur natif”, et d’autre part, entre la qualia sémantique externe et le concept juridique
de “justiciable”.
Du point de vue empirique, nous désirons montrer que la manifestation de la qualia sémantique s’exerce crucialement dans un type de discours juridique produit au Canada,pays bilingue anglais-français de par sa constitution, à savoir le discours commercial tel qu’ils’actualise, entre autres, dans les marques de commerce. Aussi le domaine juridique desmarques de commerce illustre-t-il fort bien le fait que la qualia transparence/opacité estsource d’une tension sémantique parce que celle-ci peut devenir conflictuelle lorsqu’elleoppose le locuteur natif du linguiste et le justiciable du législateur, ce dernier se voyantdéfini, de facto, en tant que ‘consommateur’ faisant partie d’un marché. Le locuteur n’étantpas un être distinct du consommateur puisqu’il s’agit du même individu, il s’ensuit que ledomaine des marques de commerce, désormais MC en abrégé, se transforme en champ debataille, lequel met aux prises la masse des sujets parlants d’une communauté linguistiqueet la masse des consommateurs constituant le marché visé par une marque de commerce,ces deux masses n’en formant qu’une seule vis-à-vis de la juridiction légale. Protection juridique du locuteur
Il appert qu’au Canada, la recherche de la transparence externe fait partie d’une démarche inscrite dans la volonté même du législateur, lequel aspire à ce que toutes sesdécisions soient parfaitement comprises de tous ses commettants, d’où l’importance accordée par les magistrats à l’intention du législateur. L’intention du législateur canadiense traduit en l’occurrence dans la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), et prendla forme du critère de l’absence raisonnable de confusion entre marques de commerce.
Voici un extrait pertinent de cette loi: CONCURRENCE DÉLOYALE ET MARQUES INTERDITES 7. Nul ne peut :
.
b
) appeler l'attention du public sur ses marchandises,
ses services ou son entreprise de manière à causer
ou à vraisemblablement causer de la confusion
au Canada
, lorsqu'il a commencé à y appeler ainsi
l'attention, entre ses marchandises, ses services ou son
entreprise et ceux d'un autre;
c) faire passer d'autres marchandises ou services pour
ceux qui sont commandés ou demandés;
d) utiliser, en liaison avec des marchandises ou
services, une désignation qui est fausse sous un
rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce
qui regarde :
(i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou
composition,
(ii) soit leur origine géographique,
(iii) soit leur mode de fabrication, de production ou
d'exécution;
.
S.R., ch. T-10, art. 7.
L’article 6 de cette loi comporte plusieurs clauses précisant les circonstances qui peuventprovoquer un risque de confusion. La disposition suivante en est une illustration: (2) L'emploi d'une marque de commerce crée de laconfusion avec une autre marque de commercelorsque l'emploi des deux marques de commerce dansla même région serait susceptible de faire conclureque les marchandises liées à ces marques decommerce sont fabriquées, vendues, données à bailou louées, ou que les services liés à ces marques sontloués ou exécutés, par la même personne, que cesmarchandises ou ces services soient ou non de lamême catégorie générale.
S.R., ch. T-10, art. 6.
En outre, on constate que la clause (e) de l’article 5 de cette même loi consacre le lienintrinsèque qui s’établit naturellement entre la transparence sémantique interne et externe: (5) En décidant si des marques de commerce ou des
noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal
ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes
les circonstances de l'espèce, y compris :
a) le caractère distinctif inhérent des marques de
commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans
laquelle ils sont devenus connus;
b) la période pendant laquelle les marques de
commerce ou noms commerciaux ont été en usage;
c) le genre de marchandises, services ou entreprises;
d) la nature du commerce;
e) le degré de ressemblance entre les marques
de commerce ou les noms commerciaux dans
la présentation ou le son, ou dans les idées
qu'ils suggèrent.
S.R., ch. T-10, art. 5.
De telles dispositions légales peuvent être considérées comme le résultat d’une transposition directe de l’injonction “Soyez clair”, bien connue des linguistes, qui récapitulela maxime de la Modalité du philosophe Paul Grice:1 — “Évitez de vous exprimer avec obscurité.”— “Évitez d’être ambigu.” 1 Voir la référence citée dans la bibliographie.
— “Soyez bref.”— “Soyez méthodique.”De ce fait, il apparaît juste de soutenir que le justiciable canadien bénéficie d’une“protection linguistique” inhérente à son statut de locuteur anglophone ou francophone. La portée de cette loi vis-à-vis du justiciable canadien s’avère fort cruciale non seulement pour le consommateur qu’il est de facto en regard du commerce en général,mais aussi pour le locuteur qu’il est implicitement en regard de la transparence interne quidépend du système de la langue. En effet, la clause (e) de l’article 5 étend la protectionlinguistique du justiciable non seulement à l’aspect visuel d’une marque de commerce, maisaussi à sa consistance phonétique, par le biais des sons que produisent les lettres, ainsiqu’à son contenu sémantique, par le biais des idées suggérées par les mots. La ressemblance est source de confusion
Il incombe au Registraire des marques de commerce du Canada d’appliquer cette volonté du législateur de protéger le justiciable-consommateur de l’opacité linguistique àla source d’une possible confusion chez le justiciable-locuteur. Le Registraire s’est toujoursacquitté de son mandat en se conformant à la pratique traditionnelle en vigueur avant1970, année où fut adoptée pour la première fois, dans la foulée de la Loi sur les languesofficielles du Canada de 1969, la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits deconsommation ainsi que les Règlements qui en découlent. Le paragraphe 6(2) desRèglements sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation exige que «tous»les renseignements qui doivent minimalement figurer sur l'étiquette doivent être indiquésen anglais et en français, sauf le nom et l'adresse du fournisseur qui peuvent figurer dansl'une ou l'autre des langues. Aussi une ressemblance pouvant entraîner une certaineconfusion linguistique est-elle considérée de facto par le législateur comme contrevenantà l'article 7 de la Loi interdit l'information fausse ou trompeuse se rapportant à un produitpréemballé. Les renseignements figurant sur un emballage, qu'il s'agisse de symboles oude mots, ne doivent pas être faux ni induire le consommateur en erreur. Jusqu’au litige qui, dès 1993, a opposé les sociétés Pierre Fabre Médicament et Smithkline Beecham Corporation à propos de leur marque de commerce respective Ixel et
Paxil en liaison avec des antidépresseurs, le modus operandi du bureau du Registraire s’est
prévalu du test ou de la méthode dite du «consommateur bilingue moyen» (‘the average
bilingual consumer’) pour déterminer s’il existe un risque raisonnable de ressemblance (et
donc de confusion) entre deux MC. Il ne va pas de soi que cette méthode ait dû s’imposer
à l’usage si l’on tient compte de plusieurs jugements rendus antérieurement, notamment
celui du juge Joyal dans Boy Scouts of Canada C. Alfred Sternjakob & Co. (1984) qui
déclare l’égalité des deux langues officielles en matière de MC, ainsi que celui du juge
Strayer dans Scott Paper Co. C. Beghin-Say S.A. (1985) qui, outre d’entériner l’égalité du
français et de l’anglais, déclare la nécessité de prendre en compte le bilinguisme de
plusieurs millions de Canadiens dans l’appréciation du risque de confusion entre les mots,
le bilinguisme étant source du phénomène du calque bien connu des linguistes et des
traducteurs. Dans une tel contexte, le calque se définit comme une association erronée ou
une mauvaise transposition entre un mot dans une des deux langues officielles et son sensdans l’autre.
Priorité de l’expert-linguiste bilingue
La décision de rejet de la demande d’enregistrement de Pierre Fabre Médicament a été rendue en 1998 par le Registraire au motif, entre autres, que les experts-linguistes dechaque partie (ce qui implique l’auteur de ces lignes) n’ont pas été jugés compétents pourdonner leur avis sur le risque de confusion phonétique dans la langue officielle qui n’étaitpas leur langue maternelle, malgré leur avis pertinent aux deux langues. Cettedisqualification a eu pour conséquence de faire prévaloir, dans la procédure d’appel, letémoignage des experts-linguistes qualifiés de «bilingues», plutôt que de francophones ouanglophones bilingues, l’expert bilingue étant reconnu pour être compétent relativementà la prononciation dans les deux langues officielles. La crédibilité de l’expert-linguistebilingue s’est donc élaborée, au niveau de la jurisprudence, à partir du concept de“consommateur bilingue moyen” mis en place par les divers agents de la pratique juridique.
Le test du ‘consommateur bilingue moyen’ remis en cause
Or le juge Pinard a conclu en Cour fédérale, dans son ordonnance rendue en 2000 (T- 2093-98) sur appel dans ce même litige commercial, que le Registraire a eu raison d’unepart d’appliquer le test du consommateur bilingue moyen au Canada, mais qu’il aurait dûd’autre part s’en tenir non pas à la question accessoire de la crédibilité professionnelle desexperts-linguistes dans l’autre langue officielle, mais plutôt à la question de fond relativeaux différences phonétiques qui sont évidentes entre les deux langues, notamment le faitreconnu par la jurisprudence que la première syllabe joue un rôle décisif dans lareconnaissance auditive d’un mot, et le fait aussi que la même syllabe initiale à l’écrit ne seprononce pas de la même façon à l’oral en français et en anglais. L’appel de la sociétéPierre Fabre Médicament a donc été accueilli, et la décision du Registraire a été renverséeavec, comme conséquence, que la notion de risque de confusion, telle qu’elle a été associéeà celle de consommateur bilingue moyen dans la pratique des bureaucrates, s’est vuesérieusement battue en brèche. Égalité de chaque langue officielle
Par la suite, la corporation Smithkline Beecham a interjeté appel de cette ordonnance.
Les juges Décary, Desjardins et Noël se sont prononcés en février 2001 en Cour d’appelfédérale, dans un jugement qui fait date parce qu’il renverse toutes les décisionsantérieures. Non seulement ont-ils déclaré que le test du consommateur bilingue moyenn’est ni un test autonome ni un test suffisant, mais encore ont-ils fait prévaloir qu’il suffitprioritairement que l’on établisse qu’il existe un risque raisonnable de confusion entre deuxMC dans une OU dans l’autre des deux langues officielles du pays pour qu’une MC nepuisse pas être enregistrée. Qui plus est, le test du consommateur bilingue moyen s’est vurelégué au rang de test accessoire, c’est-à-dire applicable à titre exceptionnel ou particulierlorsque le résultat des deux précédents n’est pas concluant. Il doit être considéré commeune extension occasionnelle des deux premiers. Il s’ensuit de cette évolution que le concept de locuteur-consommateur unilingue, qu’il soit francophone ou anglophone, est devenuprioritaire dans la recherche de la transparence juridique des marques de commerce.
L’affaire, en fin de compte, s’est définitivement réglée le 8 juillet 2004 par suite du retraitde l’avis d’opposition par la pharmaceutique Smithkline Beecham Corp.
Le plus récent jugement portant sur le risque de confusion date de février 2004. Il s’agit de la décision rendue par le juge Beaudry [2004 CF 197] en appel de celle duRegistraire dans le litige Bluedot Jeanswear Co C. 9013-0501 Québec opposant les marquesRage Jeans et Orage en liaison avec des vêtements de sport. A cette occasion, le magistrata plutôt maintenu la décision du Registraire ayant pour effet de rejeter la demanded’enregistrement de la marque Rage Jeans au motif, entre autres, qu’il a été «convaincuqu’il y a risque de confusion du moins pour les consommateurs francophones et lesconsommateurs bilingues.» Il s’ensuit de ce jugement que la seule protection du locuteurfrancophone s’avère suffisante pour limiter l’introduction, dans un marché deconsommateurs canadiens, d’une marque de commerce susceptible de ne pas êtreraisonnablement transparente à cause d’un degré trop élevé de ressemblance avec uneautre. Il s’ensuit, en conclusion, que la qualia sémantique externe exigée du discoursjuridique par le législateur est irréversiblement liée à la qualia sémantique internedépendante de la forme phonographique et du contenu sémantique des marques decommerce tenues pour des expressions linguistiques à part entière.
Peut-on objectiver le degré de confusion?
Ayant personnellement signé plus de vingt-cinq affidavits depuis une trentaine d’années au bénéfice de plusieurs grandes firmes d’avocats de Montréal, d’Ottawa, deToronto et même de France, c’est donc avec satisfaction que j’accueille le retour en forcedu critère de la langue maternelle dans la jurisprudence commerciale, plutôt que laconsécration du monopole du bilinguisme. Bien que les juges témoignent d’attitudessouvent fort divergentes vis-à-vis du témoignage de l’expert-linguiste, certaines préférencesse dégagent quant à l’appréciation qu’ils font du contenu de son expertise. La possibilitéde quantifier le fameux risque de confusion au moyen d’un gradient ou d’une échelles’avère en effet une technique fort prisée des magistrats. Il est effectivement possible pour le linguiste de transposer, dans plusieurs cas, le continuum de la qualia sémantique sur une échelle, disons, de 0 à 5, dans laquelle zérocorrespond au pôle de l’opacité, c’est-à-dire la confusion totale, et 5, au pôle de latransparence, c’est-à-dire l’absence totale de confusion. On pose que la probabilité d’uneconfusion totale résultera d’une ressemblance complète entre deux marques de commerceeu égard à un des aspects pertinents de la comparaison. Inversement, on pose que laprobabilité de confusion sera nulle lorsque deux marques de commerce ne présententaucune ressemblance. Entre ces deux possibilités extrêmes, il existe toute une gamme deressemblances partielles, et donc par conséquent, d’une probabilité plus ou moins grandeque la qualia tende soit vers la confusion (ou l’opacité), soit vers la clarté (ou latransparence). Voici un aperçu schématique de l’application de cette méthode au cas dulitige Paxil C. Ixel que j’ai déjà mentionné.
La méthode ou les règles de l’art de la linguistique
L’analyse s’organise sur plusieurs niveaux, à savoir les six plans de travail que j’énumère: 1) le lexique; 2) la graphie; 3) la phonie; 4) la morphologie; 5) la sémantiquelexicale, et 6) éventuellement la syntaxe. Le résultat de la démarche adoptée peut être schématisé comme suit: L’analyse linguistique des marques de commerce transparence sémantique/clarté discursive = différence/ risque nul de confusion
rouge = opacité sémantique/obscurité discursive = ressemblance/ risque accru de confusion
emprunt [±naturalisé]?.paxil | ixel : négatif +nom propre.paxil | ixel : négatif = référence nulle +nom commun.paxil | ixel : négatif =signification nulle ±sigle?.paxil | ixel : négatif = lexicalité nulle +inventé.paxil | ixel : positif = référence contextuelle
identiques./i/, /l/, /x/: paxil 3/5 | ixel : 3/4 différentes./a/, /e/, /p/: paxil 2/5 | ixel : 1/4 ordre des lettres. paxil : /i/ final nombre de syllabes. paxil | ixel : 2/2 segmentation syllabique. pa |xil ; i |xel = /pa/-/i /: 0/5; /xil /- /xel /: 2/3 diacritiques (v.g. trait d’union) L’analyse linguistique des marques de commerce (suite) français.[p a k s i l]; [i k s e l]
anglais.[p æ k s c {]; [I k s c {]
identiques: français: paxil : 3/6; ixel : 3/5; anglais: paxil : 4/6; ixel : 4/5 différents: français: paxil : 3/6; ixel : 2/5; anglais: paxil : 2/6; ixel : 1/5 attaque vocalique: français = [i k- sel]; anglais = [I- ksc{]
attaque consonantique: français= [p a k- s i l]; anglais=[p æ- ksc{]
accentuée: français=[-sil] et [-sel]: 2/2
non-accentuée: anglais : [-ksc{]: 1/1
a) [±affixe]: paxil | ixel : négatif [±attestée]: paxil | ixel : négatif [±générique]: paxil | ixel : négatif b) Référence..paxil | ixel : antidépresseurs
6) Niveau de la syntaxe: ORDRE, PARTICULES, MARQUEURS Il est primordial d’établir au départ si les MC sont des mots français (ou anglais) existants ou non. Leur attestation doit reposer sur les dictionnaires d’usage de bonneréputation. Dans le cas du litige Paxil C. Ixel, le linguiste doit fournir au juge la preuve qu’ils’agit de mots qui n’existent dans la langue commune géographiquement déterminée, cequi fait entrer en ligne de compte la variété proprement québécoise, d’où un problème réelde choix de dictionnaire. En l’occurrence, ces deux mots sont “inventés” et correspondentà ce que les psycholinguistes appellent des “logatomes”. La tâche du linguiste s’en trouveéventuellement facilitée parce que l’analyse lexicale de ces mots se trouve uniquementcirconscrite à leur référence dénotative et connotative, en l’occurrence celui du sensréférentiel {antidépresseur}. A cet égard, il devra conclure qu’au niveau lexical, le degréde ressemblance atteint la cote la plus élevée, d’où un risque de confusion lexicale évaluéà 5/5.
En second lieu, la graphie alphabétique doit permettre de mesurer le degré de ressemblance des deux MC en faisant intervenir le facteur lié à l’ancienneté de chaquemarque, parce que la plus ancienne et la mieux établie commercialement s’avèrejuridiquement protégée. C’est donc elle qui doit servir de point de comparaison ou deréférence. le linguiste statue que la transparence totale est atteinte lorsque deux marquesde commerce n’ont aucune lettre en commun. A contrario, deux marques de commerce quiont toutes leurs lettres en commun, peu importe leur ordre linéaire, présentent un taux deressemblance alphabétique très élevé, d’où un maximum d’opacité. Par exemple, sur les4 lettres de Ixel, il y en a 3 qui se retrouvent dans les 5 lettres de Paxil, ce qui donne 3/4en regard de 3/5. Par conséquent, la ressemblance alphabétique est plus concentrée dansla première (75%) que dans la seconde (60%), ce qui joue en défaveur de Ixel. Dans lesdeux cas, la même lettre {l } termine le mot de même que la même lettre { x } se retrouveau centre, d’où un facteur de ressemblance évalué à 2 sur 5. En revanche, la même lettre{ i } se distribue très différemment dans les deux cas, soit en finale et en initialerespectivement, d’où un facteur de différence évalué à 1 sur 2. Vient ensuite la comparaison de la phonie, celle des deux marques à l’intérieur de la même langue et celle de chaque marque vis-à-vis des deux langues. La transcriptionphonétique devient absolument nécessaire malgré le caractère rébarbatif de l’exercice auxyeux de plusieurs magistrats. Les bons dictionnaires d’usage fournissent tous leur propreclé des symboles phonétiques, habituellement alignée sur l’A.P.I., et c’est elle qu’il convientd’utiliser comme pièces à conviction de l’expertise. La segmentation syllabique doitobligatoirement compléter la transcription phonétique. En tout état de cause, lacomparaison phonétique de Paxil et Ixel permet de statuer que le degré de ressemblancen’est que de 1 sur 5 en français, alors qu’il est de 4 sur 5 en anglais. Le risque de confusionest donc virtuellement écarté en français, mais en anglais, le rôle décisif et fortementdiscriminant de la première syllabe fait contrepoids à la ressemblance de la seconde, si bienque même dans cette langue, le risque de confusion s’avère peu élevé.
Enfin, les autres plans de travail fournissent, dans ce cas de figure, une information qui est soit sans objet, soit sans incidence notable sur la comparaison. En conclusion,l’expertise du linguiste dans ce type de litiges commerciaux s’avère de plus en plus cruciale et utile si elle est faite dans les règles de l’art, pour la meilleure protection possible etsouhaitable du locuteur à travers le consommateur.
‘Logique et Conversation’, Communications. La conversation, n° 30, pp. 57-72, trad.
de ‘Logic and Conversation’, Syntax and Semantics, vol. III, éd. par Cole, Peter & J.
L. Morgan, Académic Press, 1975, pp. 41-58.
The Generative Lexicon, Cambridge, Mass., MIT Press.

Source: http://www.er.uqam.ca/nobel/r21354/Files/boulogne_1article.pdf

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