Elsevier_emcgrandf_04-10867

4-002-R-95
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Tétanos néonatal
M Mokhtari
R é s u m é. – Le tétanos néonatal reste encore un problème majeur de santé publique
dans les pays en voie de développement ; il est responsable de la moitié des décès à cettepériode.
Son traitement est d’une part symptomatique, reposant sur la sédation, l’éviction des stimulinociceptifs, le nursing, la ventilation mécanique quand elle est réalisable et un apportnutritionnel correct, et d’autre part spécifique avec antibiothérapie par pénicilline G etimmunothérapie ou sérothérapie antitoxinique. Ce traitement est décevant puisque lamortalité liée au tétanos reste très élevée.
Les campagnes de prévention reposant sur la vaccination des femmes, l’amélioration desconditions de naissance et des soins du cordon ont cependant permis de diminuer de moitiéla mortalité néonatale liée au tétanos.
Introduction
Bactériologie - physiopathologie
Le tétanos néonatal (TN) est un problème majeur de santé publique dans les pays en voie de développement [28]. Au cours des années 1980, environ unmillion de cas de tétanos étaient observés chaque année, avec une mortalité Clostridium tetani, ou bacille de Nicolaïer, est un germe anaérobie strict non encapsulé. Il s’agit d’un germe ubiquitaire, retrouvé sur le sol et dans le tractus La généralisation des programmes de vaccination et l’amélioration des intestinal humain et animal [7]. Les spores sont très résistantes à la chaleur et conditions d’hygiène à la naissance ont permis de diminuer le nombre de aux antiseptiques. La sporulation est optimale à une température de 37 °C et décès par TN à 433 000 en 1991 (tableau I) [28].
à un pH de 7. Elle est ralentie lorsque le pH est inférieur à 6 et inhibée pourdes températures supérieures à 41 °C [20].
L’incidence réelle du TN a été pendant longtemps largement sous-estimée,en raison de l’absence d’accès aux soins médicaux des populationsconcernées et du très jeune âge de survenue.
Physiopathologie [4, 20, 22]
Dans les pays développés, le TN est rarissime [7].
Clostridium tetani produit deux neurotoxines principales.
Tableau I. – Incidence de la mortalité liée au tétanos néonatal en fonction des zones
géographiques [28].
Mostafa Mokhtari : Praticien hospitalier.
Morts néonatales dues au tétanos (n = 433 880)
Catherine Huon : Praticien hospitalier.
Unité de réanimation médicale, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74-82, avenue Denfert- Toute référence à cet article doit porter la mention : Mokhtari M et Huon C. Tétanos néonatal. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Pédiatrie, 4-002-R-95, 1999, 4 p.
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TÉTANOS NÉONATAL
– La tétanospasmine est une protéine codée par une séquence d’acidedésoxyribonucléique (ADN) plasmidique. Elle est formée d’une chaînelourde de 100 kDa et d’une chaîne légère de 50 kDa, reliées par un pontdisulfure. Une fois fixée au niveau des terminaisons nerveuses, la chaînelégère inhibe la libération des transmetteurs pendant plusieurs semaines. Elleest également responsable du transport transsynaptique de la toxine. Elle agitau niveau du contrôle moteur central, entraînant des contractures et desspasmes musculaires. Après leur synthèse au point d’inoculation, les toxinessont acheminées par les circulations lymphatique et vasculaire jusqu’auxterminaisons nerveuses. Elles pénètrent au niveau du système nerveux à partirde la jonction neuromusculaire par l’intermédiaire du motoneurone α. Ellesremontent vers la moelle épinière, puis vers le cerveau. La majeure partie destoxines est transportée par les neurones moteurs. Les nerfs les plus courts sontles premiers à transmettre les toxines au niveau central, ce qui explique laprécocité de certains signes tels que la raideur de la nuque et le trismus. Ce Tétanos néonatal, spasme avec attitude en opisthotonos. Photographie de la collection phénomène se poursuit jusqu’à ce que tous les muscles échappent au contrôle du professeur Gendrel, service de pédiatrie générale, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris.
du système nerveux central, avec des contractures et spasmes musculairesspontanés ou après des stimulations minimes. Au niveau de la jonctionneuromusculaire, les toxines entraînent une abolition de la transmission par La confirmation du diagnostic peut se faire par la mise en évidence du germe déficit de libération présynaptique d’acétylcholine [4].
à la culture de l’extrémité du cordon ou à l’hémoculture anaérobie. Ces – La tétanolysine [20] est une hémolysine d’un poids moléculaire de 48 kDa.
prélèvements sont positifs dans 30 à 50 % des cas.
Le rôle des tétanolysines est encore inconnu dans l’espèce humaine. Ellesentraîneraient des lésions des tissus avoisinant la zone infectée par lyse des Diagnostic différentiel
membranes cellulaires (altération des phospholipides membranaires) et pardiminution du potentiel redox, favorisant ainsi la multiplication des germes – Infection maternofœtale : c’est le diagnostic différentiel de la période anaérobies. Chez l’animal, l’administration systémique de tétanolysine d’incubation. Une antibiothérapie empirique s’impose dans les situations entraîne des anomalies de l’électrocardiogramme et une coagulation intravasculaire disséminée. Par extrapolation, on pense que les tétanolysines – Méningite néonatale : certaines méningites néonatales peuvent se seraient responsables d’une perte de la régulation adrénergique, entraînant manifester par une raideur de la nuque. La ponction lombaire permet de une instabilité cardiovasculaire (hypertension artérielle et bradycardies), des anomalies du contrôle de la ventilation, des accès de sueurs, une dysrégulationthermique.
– Hypocalcémie néonatale : elle peut se manifester par une irritabilité, unetétanisation des muscles faciaux (sans trismus) et parfois des convulsions.
Contrairement au tétanos, la rigidité est essentiellement périphérique dans les Clinique
Le TN est l’apanage des enfants nés à domicile, car les accouchements sont Évolution et complications
effectués par des personnes non qualifiées dans 60 à 90 % des cas. Cependant,9 à 13 % des enfants hospitalisés pour TN sont nés dans une structuremédicalisée (clinique ou hôpital). Leur contamination s’est faite dès leur La durée d’hospitalisation est habituellement de 16 à 35 jours [2, 18], la durée de ventilation mécanique est de 18 à 23 jours [13, 24].
La porte d’entrée est souvent ombilicale (83 % des cas). Elle est due à la La mortalité est très élevée. Elle varie de 13 à 82 % [2, 5, 8]. Le décès survient section du cordon ombilical par un instrument souillé (ciseaux, couteau, lame dans 90 % des cas au cours des 2 premières semaines d’évolution avec un pic de rasoir ou morceau de verre), ou à l’application à sa surface de produits non de fréquence au huitième jour [5, 18]. La mortalité précoce, survenant avant le stériles en guise de pansement ombilical (cendres, argile, poudre de poivre, huitième jour d’évolution, est en rapport avec les troubles neurovégétatifs. La mortalité tardive est la conséquence de complications infectieuses D’autres portes d’entrée telles que la circoncision précoce, la percée des (septicémies nosocomiales, pneumopathies de déglutition [24]).
oreilles ou les dermatoses infectieuses néonatales ont été décrites [18]. En Certains facteurs sont de mauvais pronostic. Ainsi, une période d’incubation revanche, il n’a pas été décrit de TN à point de départ digestif par ingestion du inférieure à 6 jours, un faible poids de naissance (moins de 2,5 kg), l’apparition rapide de l’opisthotonos et l’atteinte du système nerveux Le sex-ratio varie de 1/1 à 3,7/1 en fonction des régions. Cette prédominance autonome (hypothermie, troubles vasomoteurs) sont corrélés à une mortalité masculine est probablement expliquée par les circoncisions précoces et par la valorisation des garçons qui sont plus souvent hospitalisés [13, 19].
Les complications précoces sont essentiellement des fractures et des La période d’incubation varie de 3 jours à 3 semaines. Dans la plupart des tassements vertébraux quand les spasmes sont majeurs. Certaines cas, elle est de 5 à 7 jours [5, 9, 19, 24]. Elle dépend de la localisation de la plaie et complications sont transitoires, telles les paralysies flasques dont le du statut immunitaire de la mère [2]. Elle a également une valeur pronostique.
mécanisme physiopathologique est encore inconnu. L’hypothèse d’une Ainsi, lorsque les signes cliniques apparaissent moins de 1 semaine après action directe de la toxine tétanique sur la corne antérieure de la moelle l’inoculation, la symptomatologie clinique est souvent très sévère et la épinière semble la plus probable [17]. Un seul cas de tétraplégie flasque Les signes cliniques, au début, associent une agitation inexpliquée, et un refus À distance, un retard psychomoteur sévère avec microcéphalie peut être de boire. Puis rapidement s’installent un trismus et une raideur de la nuque.
observé dans 10 à 37,5 % des cas [17, 26]. Il serait dû aux épisodes d’apnée et Sur un fond de rigidité musculaire qui commence aux mâchoires puis s’étend d’hypoxie répétés pendant une période vulnérable du développement aux muscles faciaux et aux muscles extenseurs des membres, se greffent des spasmes réflexes, avec attitude en opisthotonos, exacerbés lors de stimulisonores et lumineux (fig 1) [7, 19].
Le premier symptôme qui doit orienter vers le diagnostic de TN dans les zones Traitement
d’endémie est l’incapacité de téter chez un enfant qui allait bienauparavant [10].
Le traitement du TN s’envisage différemment dans les pays disposant de Le diagnostic positif est essentiellement clinique, basé sur des données moyens de réanimation, où le TN est rarissime mais où son pronostic a été anamnestiques et l’examen somatique. Il est facile dans les formes typiques.
considérablement amélioré par la ventilation mécanique, et ceux dont les En revanche, le diagnostic est difficile pendant la phase d’incubation, et dans moyens médicaux sont limités et où, au contraire, cette pathologie est très les formes frustes des enfants de mères vaccinées.
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Sérothérapie [7, 9, 22]
Actuellement, la ventilation mécanique, avec une sédation optimale, permetl’alimentation entérale par gavage gastrique sans risque.
La sérothérapie par voie générale (intramusculaire) doit être précoce. Son butest de neutraliser les toxines circulantes (non encore fixées sur le systèmenerveux). Le mieux est d’administrer des gammaglobulines antitétaniques « Nursing » [9]
d’origine humaine à la dose de 250 à 500 UI. Cependant, on est souvent Il est impératif d’isoler l’enfant de façon à limiter au maximum les contraint d’utiliser le sérum antitétanique d’origine équine à la dose de stimulations nociceptives (bruit, lumière). Une surveillance attentive est 3 000 à 10 000 UI. L’infiltration périombilicale de gammaglobulines nécessaire afin de détecter et d’agir au plus tôt sur les apnées (ventilation au humaines (250 UI) ou de sérum antitétanique a également été proposée.
masque) et l’encombrement. La liberté des voies aériennes supérieures doit L’indication de la sérothérapie intrathécale est très controversée [1, 15, 23].
être assurée par des aspirations fréquentes (hypersécrétion). Dans les pays en Enfin, la vaccination antitétanique ne doit pas être oubliée avant la sortie de voie de développement, il faut favoriser la participation de la mère ou d’autres membres de la famille à la surveillance et aux soins des nouveau-nés atteintsde tétanos.
En l’absence de curarisation, les enfants doivent être installés en décubitus Antibiothérapie [4, 24]
latéral pour prévenir les fausses routes. Les complications liées à La pénicilline G est active sur le bacille de Nicolaïer. La dose est de 50 000 à l’immobilisation prolongée pourront être prévenues par l’alternance des deux 150 000 UI/kg/j par voie intraveineuse lente (quatre à six injections) ou en côtés et par l’utilisation de « sacs d’eau » placés sous l’enfant (poches de perfusion continue. La durée du traitement est de 10 jours. Certains proposent recueil d’urines remplies d’eau tiède).
de prendre le relais par la procaïne-pénicilline (normalement contre-indiquéechez le nouveau-né) en une injection intramusculaire quotidienne de Ventilation mécanique et curarisation [24, 25]
200 000 UI/kg après 24 heures de traitement par pénicilline G.
Elles ont permis d’améliorer considérablement le pronostic du TN. Ellespermettent une paralysie musculaire complète.
Porte d’entrée (cordon ombilical)
La curarisation prédispose aux inconvénients liés à l’immobilisation Elle doit être désinfectée 4 fois par jour avec un antiseptique [3].
prolongée (escarres, fonte musculaire, atélectasies liées à l’absence de réflexede toux) qui doivent être prévenus (changements de position fréquents,massages, « sac d’eau »). Elle doit impérativement être associée à un Sédation [18]
morphinique (Fentanylt) ou à une benzodiazépine (Hypnovelt).
La sédation est le traitement de base du tétanos. Son but est d’enrayer les effets La ventilation mécanique est indispensable au traitement optimal du TN. Elle de la tétanospasmine sur les nerfs moteurs et de la tétanolysine sur le système a deux grands avantages : prévention des pneumopathies d’inhalation (intubation endotrachéale) et sédation profonde permettant l’arrêt total des Le diazépam est habituellement utilisé à des doses importantes (2,5 à spasmes. Les machines les plus adaptées au nouveau-né sont les découpeurs 40 mg/kg/j). Il semble que ces doses très importantes administrées en de flux (Babylog 8 000 par exemple). Cependant, l’utilisation de la ventilation perfusion continue soient bien tolérées, et associées à une nette amélioration mécanique est rarement possible dans les pays où sévit le TN à l’état du pronostic. La diminution des doses s’impose en cas d’apnées.
Les nouvelles benzodiazépines (midazolam : Hypnovelt) ont une demi-vieplus courte et semblent plus intéressantes utilisées à la dose de 60 à Prévention
120 µg/kg/h.
L’association au phénobarbital à la dose de 5 à 20 mg/kg/j, à l’hydrate de Le but des campagnes de prévention est de diminuer l’incidence du TN dans chloral ou à la chlorpromazine a également été proposée, mais à condition les pays en voie de développement à moins de un cas pour 1 000 naissances.
d’utiliser de faibles doses de benzodiazépines.
Le Fentanylt, morphinique puissant, antalgique et sédatif, serait très efficace Vaccination des mères [12, 14, 28]
dans la prévention des troubles neurovégétatifs [16].
Le vaccin par anatoxine antitétanique est peu coûteux. Il permet d’obtenir untaux d’anticorps protecteur chez 85 à 99 % des femmes, après respectivement Corticothérapie [6, 22]
deux et cinq injections. Le rapport du taux d’anticorps antitétaniques entre lesang du cordon et le sang maternel est de 20 à 30 %.
La bêtaméthasone (0,3 mg/kg/j) ou la dexaméthasone (0,25 mg/kg/j) en trois L’augmentation de la couverture vaccinale des femmes en âge de procréer de prises trouvent leurs indications dans les situations d’atteinte du système 10 à 84 % en Indonésie a permis d’abaisser la mortalité par TN de 32,1 à nerveux autonome. Leur utilisation est très controversée et les résultats ne 4,9 pour 1 000 naissances. En revanche, à l’échelle mondiale, la couverture vaccinale pour le tétanos reste encore insuffisante (seulement 40 % desfemmes en âge de procréer sont vaccinées). Cependant, la vaccination des Nutrition [9]
femmes ne suffit pas à elle seule à prévenir le TN ; certains cas de tétanos ontété rapportés chez des nouveau-nés de mères vaccinées. Mais chez les C’est l’alimentation en gavage gastrique continu avec le lait de la mère frais nouveau-nés de femmes vaccinées, la mortalité est cinq fois moindre [19].
qui est l’aliment de choix. Il est capital de pouvoir apporter au moins80 cal/kg/j d’emblée et d’augmenter rapidement cette ration pour atteindreenviron 120 cal/kg/j.
Autres facteurs préventifs
En cas de spasmes sévères et subintrants, le gavage gastrique peut être En effet, d’autres facteurs préventifs doivent être pris en compte, en dangereux en raison du risque de fausse route. Il est préférable d’envisager, particulier l’amélioration des conditions de la naissance et des soins du soit un gavage duodénal continu avec en plus une sonde gastrique de décharge, soit une alimentation parentérale.
L’éducation des personnes prenant en charge les accouchements (simple L’alimentation parentérale, par perfusion périphérique ou de préférence par lavage des mains, accouchement sur des surfaces propres et nettoyage correct cathéter central, permet un apport calorique optimal. Elle doit être réservée du cordon ombilical) a permis de diminuer la mortalité de TN de 90 % [28]. Il aux situations de difficultés alimentaires sévères. Elle a l’inconvénient de est également indispensable d’éduquer les mères afin de généraliser prédisposer aux infections nosocomiales. Les poches de nutrition parentérale l’application d’antiseptiques locaux sur le cordon et non pas celle de produits doivent être préparées stérilement.
Références
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Source: http://fmcactionnord.free.fr/SEMINAIRES/2007/Vaccins_Enfant_Lille-2007/Le_CD/83_Tetanos_neonatal_EMC.pdf

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